Page:Éluard - Une leçon de morale, 1949.djvu/115

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Mais pour moi le gisant ils étaient éternels
Juvéniles ou vieux ils portaient mon empreinte
Il y avait un grand désordre dans le monde
Mais moi j’étais en ordre je soudais le temps
En pleine chair je conjuguais sperme et squelette

Pour dire vrai mes mains cherchaient à s’exprimer
Elles me faisaient mal
Pour dire vrai j’aurais voulu qu’elles me guident
Pour dire vrai la femme était bien telle femme
Et pas une autre et mon plaisir naissait du sien
Son ventre me servait à unifier la vie
Pour dire vrai la femme avait une compagne
En même temps qu’un compagnon
La ruche aveugle agrandissait le vœu de vivre
Sans savoir où le sang jaillit et se tarit
Pour dire vrai la morte accentuait la vivante
Pour dire vrai le plomb sonnait comme de l’or
Une femme éteignait le néant sous son ombre
Et moi l’obscur j’avais réponse à la lumière.