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Page:Œuvres complètes du Marquis de Sade, tomes 13-14 - Les Infortunes de la vertu, 1973.djvu/74

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LES INFORTUNES DE LA VERTU.

de la fête qui se trouve vers la fin d’août, il ne vient pas dix personnes ici dans l’année. Cependant lorsque quelques étrangers s’y présentent, le gardien a soin de les bien recevoir et de leur en imposer par des apparences sans nombre d’austérité et de religion ; ils s’en retournent contents, ils prônent la maison, et l’impunité de ces scélérats s’établit ainsi sur la bonne foi du peuple et sur la crédulité des dévots. Rien n’est sévère au reste comme les règlements de notre conduite et rien n’est aussi dangereux pour nous comme de les enfreindre en quoi que ce puisse être. Il est essentiel que j’entre dans quelques détails avec toi sur cet article, continua mon institutrice, car ce n’est pas une excuse que de dire ici : Ne me punissez pas de l’infraction de cette loi, je l’ignorais ; il faut ou se faire instruire par ses compagnes, ou tout deviner de soi-même ; on ne vous prévient de rien, et on vous punit de tout. La seule correction admise est le fouet ; il était assez simple qu’une épisode des plaisirs de ces scélérats devint leur punition favorite : tu l’éprouvas sans commettre de faute hier, tu l’éprouveras bientôt pour en avoir commis ; tous quatre sont entichés de cette manie barbare, et comme punisseur tous quatre l’exercent tour à tour. Il y en a chaque jour un qu’on appelle le régent de jour, c’est lui qui reçoit les rapports de la doyenne de la chambre, lui qui est chargé de la police intérieure du sérail, de tout ce qui se passe aux soupers où nous sommes admises, qui taxe les fautes et les punit lui-même ; reprenons chacun de ces articles. Nous sommes obligées d’être toujours levées et habillées à neuf heures du matin ; à dix on nous apporte du pain et de l’eau pour déjeuner ; à deux heures on sert le dîner qui consiste en un potage assez bon, un morceau de bouilli, un plat de légumes, quelquefois un peu de fruit, et une bouteille de vin pour nous quatre. Régulièrement tous les jours, été ou hiver, à cinq heures du soir le régent vient nous visiter ; c’est alors qu’il reçoit les délations de la doyenne ; et les plaintes que celle-ci peut faire portent sur la conduite des filles de sa chambre, s’il ne s’est tenu aucun propos d’humeur ou de révolte, si on s’est levé à l’heure prescrite, si les toilettes de tête et de propreté ont été exactes, si l’on a mangé comme il faut et si l’on [n’]a médité aucune évasion. Il faut rendre un compte exact de toutes ces choses, et nous risquons