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Page:Œuvres complètes du Marquis de Sade, tomes 13-14 - Les Infortunes de la vertu, 1973.djvu/75

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LES INFORTUNES DE LA VERTU.

nous-mêmes d’être punies si nous ne le faisons pas. De là, le régent de jour passe dans notre cabinet, et y visite différentes choses ; sa besogne faite, il est rare qu’il sorte sans s’amuser d’une de nous et souvent de toutes les quatre. Dès qu’il est sorti, si ce n’est pas notre jour de souper, nous devenons maîtresses de lire ou causer, de nous distraire entre nous et de nous coucher quand nous voulons ; si nous devons souper ce soir-là avec les moines, une cloche sonne, elle nous avertit de nous préparer ; le régent de jour vient nous chercher lui-même, nous descendons dans cette salle où tu nous a vues, et la première chose qui se fait là est de lire le cahier des fautes depuis la dernière fois qu’on a paru ; d’abord les fautes commises à ce dernier souper, consistant en négligences, en refroidissement vis-à-vis les moines dans les instants où nous leur servons, en défaut de prévenance, de soumission ou de propreté ; à cela se joint la liste des fautes commises dans la chambre pendant les deux jours au rapport de la doyenne. Les délinquantes se mettent tour à tour au milieu de la salle ; le régent de jour nomme leur faute et la taxe ; ensuite, elles sont mises nues par la doyenne ou la sous-doyenne si c’était celle-ci qui eût manqué, et le régent leur administre la punition prescrite d’une manière si énergique qu’il est difficile qu’elles ne s’en souviennent pas. Or l’art de ces scélérats est tel qu’il est presque impossible qu’il y ait un seul jour où quelques exécutions ne se fassent. Ce soin rempli, les orgies commencent, te les détailler serait impossible ; d’aussi bizarres caprices peuvent-ils jamais être réglés ? l’objet essentiel est de ne jamais rien refuser… de tout prévenir, et encore avec ce moyen quelque bon qu’il soit, n’est-on pas quelquefois très en sûreté. Au milieu des orgies, l’on soupe ; nous sommes admises à ce repas, toujours bien plus délicat et plus somptueux que les nôtres ; les bacchanales se reprennent quand nos moines sont à moitié ivres ; à minuit tout se sépare, alors chacun est le maître de garder une de nous pour la nuit, cette favorite va coucher dans la cellule de celui qui l’a choisie et revient nous trouver le lendemain ; les autres rentrent, et trouvent alors la chambre propre, les lits et les garde-robes en état. Le matin quelquefois dès qu’on est levée, avant l’heure du déjeuner, il arrive qu’un moine fait demander une de nous dans sa cellule ; c’est le