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Page:Œuvres complètes du Marquis de Sade, tomes 13-14 - Les Infortunes de la vertu, 1973.djvu/78

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LES INFORTUNES DE LA VERTU.

naturellement brutal, les soufflets, les coups de pied et de poing sont des revenus sûrs avec lui, mais quand ses passions sont éteintes il devient doux comme un agneau, différence essentielle qu’il y a entre lui et les deux premiers qui ne raniment les leurs que par des trahisons et des atrocités. À l’égard des filles, continua la doyenne, il y a bien peu de choses à en dire ; Florette est une enfant qui n’a pas grand esprit et dont on fait ce qu’on veut. Cornélie a beaucoup d’âme et de sensibilité, rien ne peut la consoler de son sort.

Toutes ces instructions reçues, je demandai à ma compagne s’il n’était pas absolument possible de s’assurer s’il y avait ou non une tour contenant d’autres malheureuses comme nous :

— Si elles existent comme j’en suis presque sûre, dit Omphale, on ne pourrait en être instruite que par quelque indiscrétion des moines, ou par le frère muet qui nous servant les soigne aussi sans doute ; mais ces éclaircissements deviendraient fort dangereux. À quoi nous servirait-il d’ailleurs de savoir si nous sommes seules ou non, dès que nous ne pouvons nous secourir ? Si maintenant tu me demandes quelle preuve j’ai que ce fait est plus que vraisemblable, je te dirai que plusieurs de leurs propos auxquels ils ne pensent pas, sont plus que suffisants pour nous en convaincre ; qu’une fois d’ailleurs, en sortant le matin de coucher avec Raphaël, au moment où je passais le seuil de sa porte, et qu’il allait me suivre pour me ramener lui-même, je vis sans qu’il s’en aperçût le frère muet entrer chez Antonin avec une très belle fille de dix-sept à dix-huit ans qui certainement n’était pas de notre chambre. Le frère se voyant aperçu la précipita vite dans la cellule d’Antonin, mais je la vis ; il ne s’en fit aucune plainte et tout resta là ; j’eusse peut-être joué gros jeu si cela se fût su. Il est donc certain qu’il y a d’autres femmes ici que nous et que, puisque nous ne soupons avec les moines que d’un jour l’un, elles y soupent l’autre jour, en nombre très vraisemblablement égal au nôtre.

Omphale finissait à peine de parler que Florette rentra de chez Raphaël où elle avait passé la nuit, et comme il était expressément défendu aux filles de se dire mutuelle-