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Page:Œuvres complètes du Marquis de Sade, tomes 13-14 - Les Infortunes de la vertu, 1973.djvu/79

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LES INFORTUNES DE LA VERTU.

ment ce qui leur arrivait dans ce cas-là, nous voyant éveillées, elle nous souhaita simplement le bonjour et se jeta épuisée sur son lit où elle resta jusqu’à neuf heures, époque du lever général. La tendre Cornélie s’approcha de moi, elle pleura en me regardant… et elle me dit :

— Ô ma chère demoiselle, que nous sommes de malheureuses créatures !

On apporta le déjeuner, mes compagnes me forcèrent à manger un peu, je le fis pour leur plaire ; la journée se passa assez tranquillement. À cinq heures, comme l’avait dit Omphale, le régent de jour entra ; c’était Antonin, il me demanda en riant comment je me trouvais de l’aventure, et comme je ne lui répondais qu’en baissant des yeux inondés de larmes :

— Elle s’y fera, elle s’y fera, dit-il en ricanant, il n’y a point de maison en France où l’on forme mieux les filles qu’ici.

Il fit sa visite, prit la liste des fautes des mains de la doyenne qui, trop bonne fille pour la charger beaucoup, disait bien souvent qu’elle n’avait rien à dire, et avant de nous quitter Antonin s’approcha de moi… Je frémis, je crus que j’allais devenir encore une fois la victime de ce monstre, mais dès que cela pouvait être à tout instant, qu’importait que ce fût alors, ou le lendemain ? Cependant j’en fus quitte pour quelques caresses brutales et il se jeta sur Cornélie, ordonnant pendant qu’il opérerait à tout ce que nous étions là de venir servir ses passions. Le scélérat gorgé de voluptés, ne s’en refusant d’aucune espèce, termine son opération avec cette malheureuse comme il avait fait avec moi la veille, c’est-à-dire avec les épisodes les plus réfléchies de la brutalité et de la dépravation. Ces sortes de groupes s’exécutaient fort souvent ; il était presque toujours d’usage quand un moine jouissait d’une des sœurs, que les trois autres l’entourassent pour enflammer ses sens de toutes parts et pour que la volupté pût pénétrer en lui par tous ses organes. Je place ici ces détails impurs à dessein de n’y plus revenir, mon intention n’étant pas de m’appesantir davantage sur l’indécence de ces scènes. En tracer une est les peindre toutes, et pendant le long séjour que je fis dans cette maison, mon projet est de ne plus vous parler que des événe-