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Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/21

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trop tôt pour l’art ; mais cet être doux et bon, à qui jamais nous ne connûmes d’inimitiés, était de ceux-là, les justes, à qui Dieu veut épargner les douloureuses luttes, les injures et les haines, les mille tourments qui assaillent notre vie. Semblable à ce Solitaire qu’il a si magnifiquement suscité, il a vu, un soir d’été, briller dans les empyrées « la lumière des yeux fraternels. »

Toujours le pressentiment de cette mort prématurée l’avait hanté ; il apparaît sans cesse en ses vers qu’agite une intense et frissonnante mélancolie, et le prophétique cri a jailli un jour de ses lèvres :

Mais je n’endormirai jamais mon âme triste
Dans la sérénité des rêves accomplis.

Et cela fut ainsi. Il est parti ! Il est allé ailleurs achever son rêve, son beau rêve de pur artiste et de divin poète. Lui qui sut les mots « couleur de ciel, d’aurore et de printemps, » et ceux aussi que teintent les crépuscules moroses, qu’assombrissent les funèbres nuits ; lui qui connaissait les rhythmes berceurs et tendres et les rhythmes glorieux et les rhythmes tragiques, il les profère désormais par ces cieux auxquels il croyait, et peut-être le faut-il envier, car il est maintenant initié aux ineffables paroles.