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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/267

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quels jadis je prenais part, ainsi que les cris et les gémissements des nouvelles victimes de l’oppression.

— Ulrique, » reprit Cedric avec sévérité, « comment oses-tu, avec un cœur qui, je le crains bien, regrette encore la perte du prix honteux de tes crimes ; comment oses-tu, dis-je, adresser la parole à un homme revêtu de la robe que je porte ? Malheureuse ! dis-moi ce que pourrait faire pour toi le saint roi Édouard lui-même, s’il était en ta présence ? Le saint roi confesseur était doué par le ciel du pouvoir de guérir la lèpre du corps, mais Dieu seul peut guérir celle de l’âme.

— Ne te détourne pas de moi, prophète sévère, prophète de colère, s’écria-t-elle, mais dis-moi plutôt, si tu le peux, ce que produiront ces sentiments nouveaux qui sont nés dans ma solitude et qui la troublent sans cesse ?… Pourquoi des forfaits commis depuis si long-temps viennent-ils se retracer à mon imagination avec une horreur nouvelle et insurmontable ?… Quel sort est préparé au delà du tombeau à celle dont le partage sur la terre a été une vie tellement misérable que nulle expression ne pourrait la peindre ?… J’aimerais mieux retourner à Woden-Herthe et Zernebock, à Mista, Skrogula, les dieux de nos ancêtres païens, que de souffrir par anticipation le supplice des terreurs dont mes jours et mes nuits sont assaillis.

— Je ne suis pas prêtre, » reprit Cedric en se détournant avec dégoût de cette image déplorable du crime, du malheur et du désespoir ; « je ne suis pas prêtre, quoique j’en porte la robe sacrée.

— Prêtre ou laïque, tu es le seul être humain craignant Dieu et respectant les hommes que j’aie vu depuis vingt ans. M’ordonnes-tu donc de m’abandonner au désespoir ?

— Je t’ordonne le repentir, je t’exhorte à recourir à la prière et à la pénitence ; peut-être alors obtiendras-tu miséricorde. Mais je ne puis ni ne veux rester plus long-temps avec toi.

— Reste encore un moment, fils de l’ami de mon père ; ne me quitte pas ainsi, je t’en conjure, de peur que l’esprit du mal, qui a dirigé toute ma vie, ne me pousse à me venger de ton mépris et de ton insensibilité ! Crois-tu que si Front-de-Bœuf trouvait Cedric le Saxon dans son château, sous ce déguisement, ta vie serait de longue durée ? Déjà ses yeux planent sur toi, comme ceux d’un faucon sur sa proie.

— Me déchirât-il les entrailles, ma langue ne proférera pas une seule parole que mon cœur ne puisse avouer. Je mourrai en Saxon,