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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/286

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uns contre les autres, qui incendierait la chaumière et la tour, et qui éteindrait leurs charbons fumants avec le sang de ceux qui les habitent ? que mériterait celui qui relèverait cet ancien Dagon[1] de la superstition que les saints du siècle ont brisé, et qui transformerait les églises du Seigneur en ces lieux hauts où l’on sacrifie à Baal[2] !

— Vous venez de tracer un effrayant tableau, révérend ministre ; cependant je ne devine pas qui vous pouvez accuser du projet d’effectuer un changement aussi horrible.

— Dieu me préserve de te dire que tu es cet homme ; et cependant, Roland Græme, fais-y bien attention, si tu as des devoirs à remplir envers ta maîtresse, la paix de l’Écosse et la prospérité de ses habitants t’imposent des devoirs plus importants encore ; songe à t’en acquitter ; sinon Roland, tu peux être l’homme sur la tête duquel retomberont les malédictions et les châtiments dus aux crimes dont je t’ai offert le tableau. Si tu te laisses gagner par le chant de ces sirènes et que tu aides à faire évader cette malheureuse femme de ce lieu de pénitence et de sûreté, c’en est fait de la paix pour les chaumières de l’Écosse, de la prospérité pour ses palais, et l’enfant à naître maudira un jour le nom de l’homme, premier auteur des maux que doit amener une guerre entre la mère et le fils.

— Je ne connais pas un tel projet, révérend ministre, et ainsi je n’y puis apporter aucun remède. Mon devoir auprès de la reine Marie n’est que celui d’un serviteur, et c’est une tâche dont j’aurais bien voulu parfois être délivré ; néanmoins…

— C’est pour vous préparer à jouir d’un accroissement de liberté, mon fils, que je me suis efforcé de graver dans votre esprit toute la responsabilité qui vous accompagne dans l’exercice de vos fonctions. George Douglas a dit à lady Lochleven que vous étiez fatigué de ce service, et comme votre congé ne peut vous être accordé, mon intercession a presque déterminé la bonne dame à vous employer à quelques commissions au dehors, commissions qui jusqu’ici avaient été remises à des personnes de confiance.

  1. Dagon était une idole très-révérée des Philistins. Ce mot, en hébreu, signifie poisson : et en effet cette fausse divinité avait par le bas du corps la forme d’un dauphin. a. m.
  2. Baal, divinité fameuse chez les Babyloniens. Son nom, en chaldéen, signifie seigneur. Ses temples étaient bâtis sur des lieux hauts, c’est-à-dire sur le sommet des montagnes. a. m.