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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/287

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c’est pourquoi, venez avec moi chez lady Lochleven, car vous allez avoir à remplir aujourd’hui même un message de cette nature.

— Je vous prie de m’excuser, révérend ministre, » dit le page qui sentait qu’une augmentation de confiance de la part de la maîtresse du château et de ses habitants rendrait sa position doublement embarrassante sous le point de vue moral ; « un seul homme ne peut servir deux maîtres, et je crains que ma maîtresse ne me sache pas bon gré de recevoir d’autres ordres que les siens.

— Ne craignez pas cela, on demandera et on obtiendra son consentement. Je crains qu’elle n’adhère trop aisément à un arrangement pareil, dans l’espoir de se servir de vous comme d’un agent pour entretenir une correspondance avec ses prétendus amis, qui feraient de son nom le mot d’ordre de la guerre civile.

— Et ainsi, je serai exposé aux soupçons des deux côtés ; car ma maîtresse me considérera comme un espion placé près d’elle par ses ennemis, me voyant investi de leur confiance ; et lady Lochleven ne cessera jamais de croire à la possibilité d’une trahison de ma part, parce que cette trahison sera devenue possible. Non, je préfère rester comme je suis. » Il y eut ici un silence d’une ou deux minutes, durant lesquelles Henderson regarda fixement Roland, comme pour découvrir si cette réponse n’avait pas un sens que n’indiquaient point explicitement ses paroles. Il ne pénétra rien ; car Roland page depuis son enfance, savait prendre à propos un air triste et rêveur bien propre à cacher ses émotions intérieures.

— Je ne vous comprends pas, Roland, ou plutôt vos idées, sur ce sujet, sont plus profondes qu’il ne convient à votre humeur habituelle. Il me semblait que le plaisir d’aller de l’autre côté du lac avec un arc, un fusil ou une ligne, aurait fait taire en vous tout autre sentiment.

— Sans doute, » répondit Roland qui s’aperçut combien il serait dangereux que les soupçons d’Henderson prissent plus de consistance ; « je n’aurais songé qu’au fusil ou à la rame et à ces oiseaux sauvages que j’ai tant envie de poursuivre dans les joncs où ils se réfugient hors la portée de mon fusil, si vous ne m’aviez pas dit qu’en allant sur la terre ferme, je pouvais faire brûler le bourg et le château, et causer ainsi la chute de l’Évangile et le rétablissement de la messe.

— Suivez-moi donc, dit Henderson, et nous irons parler à lady Lochleven. »