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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/143

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votre châtiment ; mais ne croyez pas que les yeux de votre mère en soient jamais témoins : je ne pourrais voir un tel spectacle. Mes yeux ont souvent regardé la mort, mais jamais le déshonneur. Adieu, Hamish, désormais nous ne nous reverrons plus. »

À ces mots, elle se précipita hors de la cabane avec la rapidité d’un vanneau, et peut-être dans ce moment formait-elle réellement le projet, qu’elle venait d’exprimer, de se séparer pour toujours de son fils. C’eut été un spectacle effrayant pour ceux qui, ce soir-là, l’auraient vue errer au milieu de la solitude comme une âme en souffrance, et se parler à elle-même un langage que nulle traduction ne pourrait rendre. Elle courut pendant des heures entières, cherchant les chemins les plus dangereux, au lieu de les éviter, traversant les marécages, marchant avec hâte sur le bord des précipices ou de la rivière écumante. Mais cette espèce de courage qui provient du désespoir fut ce qui sauva une vie que peut-être elle avait le désir de terminer, bien que, parmi les montagnards, il se commette rarement un suicide de propos délibéré. Ses pas sur le bord du gouffre horrible étaient aussi assurés que ceux de la chèvre sauvage. Ses yeux, dans cet état d’exaltation, étaient si perçants qu’ils pouvaient apercevoir, au milieu des ténèbres, les périls qu’un autre n’aurait pu reconnaître et éviter en plein jour.

Elle ne marcha pas toujours directement devant elle, autrement elle se serait trouvée bientôt à une grande distance de la cabane où elle avait laissé son fils. Elle décrivit dans sa marche une sorte de cercle, dont sa chaumière était le centre : centre où toutes les fibres de son cœur étaient attachées, et dont elle sentait qu’il lui était impossible de s’éloigner davantage. Elle y revint avec les premiers rayons du jour. Elle s’arrêta un moment près de la porte que fermait une claie, et elle resta immobile et comme honteuse qu’une tendre inquiétude la ramenât vers ce lieu qu’elle avait quitté dans le dessein de n’y jamais revenir. Mais ses craintes maternelles prirent le dessus. Peut-être son fils aux blonds cheveux avait-il souffert des effets ultérieurs de la potion somnifère ; peut-être ses ennemis l’avaient-ils surpris pendant la nuit. Elle ouvrit doucement la porte, et, posant le pied avec précaution, elle entra sans bruit. Accablé de sa douleur et absorbé peut-être encore par l’influence de l’opium, Hamish dormait de ce sommeil profond auquel on prétend que les Indiens succombent dans l’intervalle de leurs tourments. À peine sa mère osait-elle croire que