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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/221

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moyen de ramener en elle le calme et la tranquillité : il lui fit apporter son enfant. Elle pleura long-temps sur lui, et la violence de son agitation céda à l’influence des affections maternelles qu’elle devait, à en juger par son extrême jeunesse, éprouver pour la première fois.

Le médecin observateur put, après ce paroxysme, remarquer que l’esprit de sa malade était principalement occupé à calculer le cours du temps, et à devancer l’époque où elle pouvait espérer le retour de son mari… si c’était son mari. Elle consultait des almanachs, s’enquérait des distances, quoique avec des précautions qui indiquaient d’une manière évidente qu’elle désirait ne pas laisser connaître dans quelle direction était allé son compagnon ; enfin elle comparait sans cesse sa montre à celles des autres, recourant, sans qu’on pût s’y méprendre, à cette espèce d’arithmétique mentale par laquelle les mortels cherchent à accélérer la marche du temps. D’autres fois, elle pleurait encore sur son enfant, qui était unanimement déclaré le plus beau garçon qu’il fût possible de voir ; et Grey observa parfois qu’elle murmurait à son fils, qui n’y pouvait rien comprendre, des phrases dont non-seulement les mots, mais encore le ton et l’accent lui étaient totalement étrangers, mais qu’il savait, en particulier, n’être pas portugais.

M. Goodriche, le prêtre catholique, demanda un jour à la voir. Elle refusa d’abord sa visite, mais ensuite elle y consentit, s’imaginant sans doute qu’il pourrait lui donner des nouvelles de M. Middlemas. L’entrevue dura très-peu de temps, et le prêtre quitta la chambre et la dame avec un air de mécontentement que sa prudence put à peine cacher à M. Grey. Il ne revint jamais, quoique l’état de l’étrangère eût rendu ses soins et ses consolations nécessaires, si elle eût été membre de l’Église catholique.

M. Grey commença enfin à soupçonner que sa belle hôtesse était une juive qui avait abandonné sa personne et ses affections à un homme d’une religion différente ; et les traits caractéristiques de sa charmante figure vinrent fortifier ses soupçons. Cette découverte ne changea rien aux sentiments du docteur, qui comprit seulement la détresse et le désespoir de l’infortunée, et tâcha d’y remédier de tout son pouvoir. Il désirait pourtant cacher cette circonstance à sa femme et aux autres personnes qui entouraient la malade, car on pouvait avec raison mettre en doute leur prudence et la libéralité de leurs opinions. Il régla donc son régime