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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/222

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de telle sorte qu’elle ne pût être ni offensée ni exposée aux soupçons par aucun des mets que la loi de Moïse lui défendait d’accepter. Pour tout ce qui n’intéressait pas sa santé ou ses fantaisies, il n’avait que peu de rapports avec elle.

L’époque à laquelle le retour de l’étranger avait été si impatiemment attendu par sa compagne, se passa. Le désappointement qu’éprouva la convalescente, en ne le voyant pas arriver, se manifesta par une inquiétude qui ne fut pas d’abord sans un mélange de dépit, et ensuite de crainte et de frayeur. Quand deux ou trois jours se furent écoulés, sans message ni lettre d’aucune espèce, Grey lui-même commença à redouter, pour son propre compte, autant que pour celui de la pauvre dame, que l’étranger n’eût réellement conçu le projet d’abandonner cette femme, sans défense, dont il avait probablement abusé. Il brûlait d’avoir avec elle une conférence qui le mît à même de savoir quelles enquêtes il fallait faire, ou quel était le parti le plus convenable à prendre. Mais la pauvre jeune femme connaissait si imparfaitement la langue française, et peut-être se sentait-elle si peu disposée à jeter aucune lumière sur sa position, que toute tentative de ce genre fut infructueuse. Lorsque Grey lui adressait une question sur un sujet qui semblait présenter matière à une explication, il observa qu’elle répondait habituellement en remuant la tête, pour indiquer qu’elle ne comprenait pas ce qu’il disait ; d’autres fois, elle ne répliquait que par le silence et les larmes, et encore en le renvoyant à Monsieur.

Grey commença donc à désirer très-impatiemment l’arrivée de Monsieur, comme une chose qui pouvait seule mettre fin à ce désagréable mystère, dont la bonne compagnie du village commençait à faire le texte principal de ses cancans, les uns blâmant Grey de recevoir dans sa maison des aventuriers, des étrangers, dont la moralité pouvait être l’objet des doutes les plus sérieux ; les autres enviant « la bonne aubaine » que devait faire le docteur, lui qui avait à sa disposition les fonds de voyage de la riche étrangère, circonstance qu’il fut impossible de bien cacher au public, lorsque la dépense de l’honnête homme pour de futiles objets de luxe vint à dépasser les bornes ordinaires.

La probité, consolation intime de l’honnête docteur, lui donna la force de mépriser ces caquets, bien que la connaissance qu’il en avait ne dût pas lui être agréable. Il faisait ses tournées accoutumées avec son habituelle persévérance, et attendait impatiem-