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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/294

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— Il n’y songeait nullement, répliqua Hartley. Le coquin auquel il s’est fié lui persuada qu’il obtiendrait une commission.

— Alors ce coquin doit avoir été Tom Hillary ou le diable, car personne n’est capable d’autant d’adresse et d’impudence. Il finira très-certainement par arriver à la potence. Encore cette histoire de 1,000 livres me semble une charge trop forte même pour Tom Hillary. Quelle raison avez-vous de penser que votre drôle ait jamais eu une telle somme d’argent ?

— J’ai la meilleure raison pour le savoir d’une manière certaine, répondit Hartley ; nous avons, lui et moi, fait notre apprentissage ensemble, sous le même maître ; et quand il eut atteint sa majorité, n’aimant pas la profession qu’il avait apprise, et prenant possession de sa petite fortune, il fut abusé par les promesses de ce même Hillary.

— Qui l’a fait enfermer dans notre hôpital si bien tenu, ajouta le général.

— C’est la vérité, général, répliqua Hartley : non, je pense, pour le guérir d’aucune maladie, mais pour le mettre dans le cas d’en gagner une qui imposerait silence à toute enquête.

— L’affaire sera soigneusement examinée. Mais combien il a fallu que les amis de ce jeune homme fussent insouciants à son égard, pour laisser un garçon aussi simple entrer dans le monde avec un compagnon et un guide tel que Tom Hillary, et une somme de 1,000 livres sterling dans son gousset ! Ses parents eussent mieux fait de lui casser la tête. Ce n’était certainement pas agir en prudents Northumbriens, comme dit mon brave Winter.

— Ce jeune homme doit en effet avoir des parents bien durs ou bien insouciants, » dit mistress Witherington avec un accent de pitié.

« Il ne les a jamais connus, madame, répliqua Hartley ; il existe un mystère au sujet de sa naissance. Une main froide, s’ouvrant comme à regret, et presque inconnue, lui a compté une certaine somme lorsqu’il eut l’âge fixé par la loi, et il s’est trouvé lancé dans le monde comme une barque qu’on pousse loin du rivage, sans boussole et sans pilote. »

Là, le général Witherington regarda involontairement son épouse, tandis que guidés par une impulsion pareille, les regards de sa femme se tournaient vers lui. Ils échangèrent un coup d’œil rapide, qui semblait dire beaucoup de choses, puis tous deux fixèrent les yeux à terre.