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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/321

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aucun salut, et ne cessa de réciter son chapelet, dont il continua de compter attentivement les grains, tant que parla Hartley. Lorsqu’il eut fini, le vieillard leva les yeux, et le regardant avec un air de distraction, comme s’il eut cherché à se souvenir de ce qu’on lui demandait, il désigna enfin du doigt une des cellules et reprit ses exercices de dévotion, en homme qu’impatiente tout ce qui détourne son attention de ses devoirs sacrés, ne fût-ce que pour un instant.

Hartley entra dans la cellule indiquée, avec le salut ordinaire, salam alaikum. Son malade était couché sur un petit tapis, dans un coin de l’étroite cellule badigeonnée de blanc. C’était un homme d’environ quarante ans, vêtu de la robe noire de son ordre : on n’y voyait que trous et pièces. Il portait un haut chapeau conique en feutre de Tartarie, et avait autour du cou le chapelet à grains noirs qui distinguait ses frères. Ses yeux et son attitude annonçaient la souffrance qu’il endurait avec une patience stoïque.

« Salam alaikum, dit Hartley, vous êtes souffrant, mon père ?… » Titre qu’il donnait plutôt à la profession qu’aux années de l’homme auquel il s’adressait.

« Salam alaikum bema sabastem, répondit le fakir, il est heureux pour nous d’avoir souffert patiemment. Le Livre dit que tel sera le salut adressé par les anges à ceux qui entrent dans le paradis. »

La conversation ainsi entamée, le médecin s’informa du mal que ressentait le malade, et prescrivit les remèdes qu’il crut nécessaires. Après l’avoir fait, il allait se retirer, quand, à sa grande surprise, le fakir lui présenta une bague d’une certaine valeur.

« Les sages, » dit Hartley en refusant le cadeau, et en faisant en même temps une allusion flatteuse à la robe et au chapeau du fakir, « les sages de toute nation sont frères. Ma main gauche ne reçoit pas le salaire de ma droite.

— Un Féringi peut donc refuser de l’or !… s’écria le fakir. Je croyais qu’ils le recevaient de toute main, qu’elle fût pure comme celle d’une houri, ou lépreuse comme celle de Géhazi… de même que le chien affamé s’embarrasse peu si la chair qu’il mange vient du chameau du prophète Saleth ou de l’âne de Dégial… dont la tête soit maudite !

— Le Livre dit, répliqua Hartley, que c’est Allah qui rétrécit et qui élargit le cœur. Le Franc et le Musulman sont également façonnés d’après son bon plaisir.