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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/353

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pareil drôle se rencontrait, en vérité il aurait les oreilles coupées le lendemain matin, ou bien on l’enverrait les chercher au fond de la Solway. C’est un propriétaire, quoiqu’il tienne cabaret ; mais c’est seulement pour la forme, et pour qu’on ne s’étonne pas de ses caves et de tout son monde ; son épouse est une adroite luronne, — et sa fille Doll aussi. Corbleu ! vous serez là comme dans un port jusqu’à votre rembarquement ; et je vous tiendrai parole, je vous ferai parler au laird. Corbleu ! le seul embarras que j’aurai sera de vous tirer de cette maison ; car Doll est une rare fillette, la mère est toujours prête à rire, et le père Crackenthorp est le plus jovial compagnon qui soit au monde ! Il vous boira une bouteille de rhum ou d’eau-de-vie sans broncher ; mais il ne mouille jamais ses lèvres avec cette méchante boisson écossaise que ce vieil hypocrite, ce coquin de Turnpenny a mise à la mode. C’est un gentilhomme, des pieds à la tête, que le vieux Crackenthorp, à sa manière, s’entend ; et d’ailleurs, il possède aussi une part de Jenny la Sauteuse, outre bon nombre d’autres profits qu’il fit au clair de la lune. Il peut donner à Doll une jolie dot, s’il trouve de son goût le jeune homme qui voudrait s’unir à elle pour la vie. »

Au milieu de ce long panégyrique du père Crackenthorp, la barque toucha le rivage. Les rameurs appuyèrent sur leur rames pour la tenir à flot, tandis que les autres gaillards se mirent à l’eau, et commencèrent, avec la plus prompte dextérité, à porter les barils jusqu’à terre.

« Déposez-les moi plus haut sur le rivage, mes enfants, s’écria Nanty Ewart, plus haut en lieu sec, — oui, en lieu sec et plus haut, cette marchandise n’aime pas à être mouillée. Maintenant à notre jeune homme, déposez-le moi haut et sec aussi. Qu’est-ce cela ? un bruit de chevaux qui galopent ! ha ! je reconnais le tintement des ferrures de leurs harnais, — ce sont nos gens. »

Le chargement de la barque, qui consistait en petits barils, se trouvait alors déposé sur la côte ; et l’équipage prenant les armes s’était déjà rangé en ligne de bataille, attendant l’arrivée des chevaux dont le pas s’était fait entendre le long de la mer. Un homme tellement chargé d’embonpoint qu’on pouvait distinguer, même au clair de lune, qu’il était tout haletant, à cause de la précipitation de sa marche, parut à la tête de la cavalcade, qui consistait en chevaux attachés les uns derrière les autres, et