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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/424

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famille et des affections de ma jeunesse, plutôt que de voir la cause de mon pays souffrir le moindre des échecs ! L’esprit de sir Albérick vit encore en moi en cet instant, » continua-t-il en redressant sa haute taille, et en se tenant droit sur sa selle, tandis qu’il appuyait un doigt sur son front : « et si vous-même vous vous placez comme un obstacle sur mon chemin, j’en jure par le signe empreint sur ce front, un nouveau crime sera commis, une nouvelle punition sera méritée. »

Il se tut, mais ces menaces avaient été prononcées d’un ton si fermement résolu, que Darsie sentit tout son courage l’abandonner, quand il réfléchit quelle tempête de passions il aurait à braver s’il refusait de seconder son oncle dans un projet dont la prudence et ses principes l’éloignaient également. La seule espérance qui lui restât était de temporiser jusqu’à ce qu’il pût parvenir à son évasion, et il résolut de profiter en conséquence du délai que son oncle paraissait lui accorder. L’air sombre et farouche de son compagnon se relâcha peu à peu, et bientôt après il fit signe à miss Redgauntlet de venir les joindre, et il entama une conversation sur des sujets ordinaires. Tant qu’elle dura, Darsie observa que sa sœur semblait parler avec la contrainte la plus circonspecte, pesant chaque mot avant de le prononcer, et laissant toujours son oncle donner le ton à l’entretien, bien qu’il fût très-futile. Cette circonstance lui parut (car il avait déjà conçu une haute opinion du bon sens et de la fermeté de sa sœur) la preuve la plus forte qu’il eût encore acquise du caractère dominateur de son oncle, puisqu’il était traité avec tant de déférence par une jeune personne dont le sexe devait avoir des privilèges, et qui ne semblait nullement dépourvue de hardiesse ni de résolution.

La petite cavalcade approchait alors de la maison du père Crackenthorp, située, comme le lecteur le sait, au bord de la Solway, et non loin d’une jetée grossière près de laquelle étaient amarrées plusieurs barques de pêcheurs qui servaient souvent à un usage bien différent de leur destination primitive. La maison du digne cabaretier était aussi appropriée aux diverses professions qu’il exerçait ; car c’était un assemblage assez considérable de cabanes groupées autour d’un bâtiment haut de deux étages et recouvert en dalles de pierre, — bâtiment primitif auquel l’extension du commerce de maître Crakenthorp avait nécessité plusieurs additions. Au lieu de l’unique et longue auge qu’on trouve