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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/56

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Malgré cette réplique décourageante, je fis une bévue, comme il arrive en pareil cas ; et voulant paraître poli, je me montrai peut-être réellement tout l’opposé. « J’avais peur, » dis-je en regardant la porte latérale, « que ma présence n’eût éloigné de la table un membre de la famille.

— Si vous parlez, » répondit-il sur le même ton, « de la jeune personne que vous avez vue tout à l’heure, je dois vous faire observer qu’il y avait encore assez de place à table pour qu’elle s’y assît, et que le souper, quel qu’il fût, était assez abondant pour qu’elle en prît sa part. Je vous assure donc que, si elle l’eût souhaité, elle aurait soupé avec nous. »

Il ne fut pas possible de causer plus long-temps sur ce sujet ou sur aucun autre ; car le maître de la maison, prenant la lampe, fit remarquer que mes vêtements mouillés me feraient peut-être trouver agréable pour cette nuit leur habitude de se coucher de très-bonne heure ; qu’il était forcé de sortir le lendemain matin à la pointe du jour, et qu’il me réveillerait en même temps pour m’indiquer le chemin par où je pourrais retourner à Shepherd’s Bush.

Cela coupait court à toute explication : il n’y avait plus moyen de recourir aux termes ordinaires de la politesse ; et, comme il ne me demandait pas mon nom, et semblait même ne prendre aucun intérêt à ce que je pouvais être, moi, la personne obligée, je n’avais aucun prétexte pour lui adresser de semblables questions.

Il prit donc la lampe et me conduisit dans une fort petite chambre, où l’on m’avait préparé un lit à la hâte, et posant la lumière, il m’invita à laisser à la porte mes habits mouillés, pour qu’ils fussent exposés au feu durant la nuit. Il me quitta alors, en murmurant quelque chose qu’on pouvait prendre pour un bonsoir.

Je me rendis à son invitation en ce qui concernait mes vêtements, d’autant plus volontiers que, en dépit des liqueurs que j’avais bues, mes dents commençaient à claquer, et que, d’après divers symptômes d’un accès de fièvre, je commençais à croire qu’un jeune homme élevé à la ville ne pouvait pas braver aussitôt avec impunité les suites fâcheuses des courses dans la campagne. Mon lit, un peu dur, était couvert de draps secs et très-propres, quoique grossiers ; et bientôt je songeais si peu à la sueur et au frisson, que je ne m’occupais plus qu’à écouter un pas pesant, qui semblait être celui du maître de la maison, mar-