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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/448

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plaisait… que nous serions convenablement reçus. J’aurais bien essayé de le mettre à la raison par une salve ou deux d’artillerie, mais le duc était trop irrité pour écouter un bon conseil. Stimulé par l’infâme Campo-Basso, il crut qu’il valait mieux se précipiter avec toutes ses forces sur une place que j’aurais bien pu renverser avec mes canons sur les oreilles de ces Allemands, mais qui était trop forte pour être emportée avec des épées, des lances et des hallebardes. Nous fûmes repoussés avec de grandes pertes, et le découragement se mit dans les soldats. Nous recommençâmes alors plus régulièrement, et mes batteries auraient rendu le bon sens à ces Suisses insensés. Les murs et les remparts tombaient devant les braves canonniers de Bourgogne ; nous étions aussi bien défendus par des retranchements contre l’armée qui, disait-on, venait nous faire lever le siège ; mais le soir du douze de ce mois, nous apprîmes que l’ennemi était près de nous, et Charles, ne consultant que sa témérité, s’avança à leur rencontre, abandonnant l’avantage qu’il pouvait retirer de nos batteries et de notre forte position. Par ses ordres, quoique contre mon gré, je le suivis avec vingt bonnes pièces et la fleur de mes hommes. Nous partîmes le lendemain avec le jour, et nous n’avions pas été bien loin lorsque nous vîmes les lances et les masses épaisses de hallebardes et d’épées à deux mains qui couronnaient la montagne. Le ciel aussi y ajoutait ses terreurs… Une effroyable tempête, avec toute la furie de ces climats orageux, assaillit les deux armées, mais incommoda davantage la nôtre, attendu que les troupes, surtout les Italiens, étaient plus sensibles aux torrents de pluie qui tombaient, et aux ruisseaux qui, grossis et changés en torrents, inondaient notre position et jetaient le désordre dans nos rangs. Le duc vit aussitôt qu’il fallait renoncer à donner immédiatement la bataille. Il vint à moi et m’ordonna de défendre, avec mes canons, la retraite qu’il allait commencer, ajoutant qu’il me soutiendrait lui-même en personne avec les gens d’armes. L’ordre de la retraite fut donné, mais ce mouvement rétrograde inspira un nouveau courage à un ennemi déjà passablement intrépide. Les rangs des Suisses se jetèrent aussitôt à genoux pour prier : pratique qui me paraissait ridicule sur un champ de bataille, mais qui ne me le paraîtra plus. Quand, cinq minutes après, ils se relevèrent et se mirent en marche, avançant d’un bon pas, faisant retentir leurs cornets et leurs cris de guerre avec leur férocité habituelle… alors, comte, les nuages du ciel s’ouvrirent, laissant tomber sur les confédérés la bienheureuse lu-