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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/449

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mière du soleil qui reparut, tandis que nos rangs restèrent dans l’obscurité produite par la tempête. Mes hommes étaient découragés ; l’armée derrière eux battait en retraite ; les rayons du soleil qui avaient éclairé subitement les Suisses montrèrent le long des montagnes une multitude de bannières et d’armes resplendissantes, qui donnaient à l’armée ennemie une apparence deux fois plus nombreuse que nous ne l’avions d’abord pensé. J’exhortai mes gens à tenir ferme ; mais en le faisant, j’eus une pensée, et je prononçai une phrase qui constitue un grand péché. « Tenez ferme, mes braves canonniers, dis-je, nous allons leur faire entendre un tonnerre plus bruyant, et voir des éclairs plus funestes que ceux dont ils ont prié le Ciel de les préserver ! » Mes hommes tirèrent… mais c’était une pensée impie… un discours blasphématoire… et mal en advint. Nous dirigeâmes nos pièces sur les masses qui avançaient, aussi bien que canons furent jamais pointés… je puis vous le garantir, car je dirigeais moi-même la grande duchesse de Bourgogne… Ah ! pauvre duchesse ! quelles mains grossières te font maintenant manœuvrer !… La volée partit, et avant que la fumée des bouches à feu fût dissipée, je pus apercevoir hommes et bannières tomber. Il était naturel de croire qu’une pareille décharge ralentirait l’attaque, et pendant que la fumée nous dérobait à l’ennemi, je fis tous mes efforts pour recharger nos canons, et je tâchai de découvrir, à travers le brouillard, l’état de nos adversaires. Mais avant que la fumée se fût éclaircie et que nos pièces fussent rechargées, ils se jetèrent à corps perdu sur nous, cavaliers et fantassins, vieillards et enfants, hommes d’armes et varlets, s’élançant à la bouche des canons et par dessus, sans songer le moins du monde à leur vie. Mes braves camarades furent taillés en pièces, pourfendus et terrassés pendant qu’ils rechargeaient leurs pièces, et je ne crois pas qu’un seul canon ait été tiré une seconde fois. — Et le duc ? ne vous soutint-il pas ? — Très loyalement, très bravement, avec ses propres gardes wallonnes et bourguignonnes. Mais un millier d’Italiens mercenaires prirent la fuite et ne retournèrent plus la tête ; l’artillerie encombrait aussi le passage, étroit en lui-même, resserré entre des montagnes et des rochers aboutissant à un lac profond ; en un mot, c’est un lieu tout-à-fait impropre au déploiement de la cavalerie. En dépit des vaillants efforts du duc et de ceux des braves Flamands qui combattaient autour de lui, tous furent repoussés dans un désordre complet. J’étais à pied, combattant comme je pouvais, sans espérance de défendre ma vie, sans y