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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/106

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en bouche dans ces mêmes appartemens où avait violemment péri plus d’un empereur ; et quelquefois il était appuyé par les personnes mêmes qui dressaient journellement des plans pour mettre à exécution quelque sombre conspiration contre l’empereur régnant.

À la fin le capitaine des gardes du corps et son fidèle compagnon se trouvèrent hors des murs du palais de Blaquernal. Le passage que prit Achille pour leur sortie était terminé par une poterne qu’un seul Varangien ferma derrière eux, tirant en même temps les verroux et les barres qui produisirent un bruit sinistre et discordant. En se retournant pour regarder la masse de tourelles, de créneaux et de flèches d’où ils étaient enfin sortis, Hereward sentit son cœur soulagé de se trouver de nouveau sous la voûte azurée du ciel de la Grèce où les planètes jetaient un éclat inaccoutumé. Il poussa un long soupir et se frotta les mains de plaisir, comme un homme qu’on vient de rendre à la liberté. Il parla même à son chef, ce qu’il n’avait jamais coutume de faire, à moins que celui-ci ne lui adressât le premier la parole. « Il me semble que l’air de ces appartemens, valeureux capitaine, porte avec lui un parfum qui, quoiqu’on puisse le trouver doux, est si étouffant, qu’il conviendrait mieux à des chambres sépulcrales qu’à l’habitation des hommes. Je suis fort heureux de me trouver libre de cette influence. — Sois donc heureux, répliqua Achille Tatius, puisque ton esprit commun et lourd se sent suffoqué plutôt que rafraîchi par cette brise qui, au lieu de donner la mort, pourrait rappeler les morts eux-mêmes à la vie. Cependant je dois dire en ta faveur, Hereward, que, né dans la barbarie et dans le cercle étroit des désirs et des plaisirs d’un sauvage, et n’ayant d’autres idées de la vie que celles que tu as pu tirer de rapports grossiers et bas, tu es cependant destiné par la nature à de plus grandes choses, car tu as soutenu aujourd’hui une épreuve dans laquelle pas un soldat de mon noble corps (ce ne sont que des masses inertes glacées par la barbarie) n’eût pu égaler la manière dont tu as soutenu ton rôle. Et, parle-moi franchement, n’en as-tu pas été récompensé ? — C’est ce que je ne nierai jamais. Le plaisir de savoir, vingt-quatre heures peut-être avant mes camarades, que les Normands arrivent ici pour nous fournir l’occasion d’une vengeance pleine et entière de la journée d’Hastings, est une belle récompense, même pour la tâche de passer quelques heures à entendre le babil d’une dame qui a écrit sur ce qu’elle ne connaît pas, et les commentaires flagorneurs des assistants, qui prétendaient lui rendre compte de ce qu’ils n’avaient pas vu eux-