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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/130

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plutôt en ami qu’en commandant : néanmoins il est serviteur de l’empereur, tout aussi bien que moi, et je ne regarde pas comme très importante une différence qu’un mot d’un homme peut établir et détruire à son gré. — C’est parler noblement ; et vous avez à coup sûr le droit de passer devant un individu que vous surpassez en courage et en talent militaire. — Excusez-moi si je refuse le compliment que vous m’adressez comme ne me convenant sous aucun rapport. L’empereur choisit ses officiers suivant qu’il leur reconnaît les moyens de le servir comme il désire être servi. Il est probable que je n’y réussirais pas moi. Je vous ai déjà dit que je dois à mon empereur mon obéissance, mon respect, mes services, et il ne me semble pas nécessaire d’entrer dans d’autres explications. — Homme singulier ! n’y a-t-il donc rien qui puisse t’émouvoir que les choses qui te sont étrangères ? Le nom de ton empereur et de ton commandant n’ont aucun pouvoir sur toi, et celui même de la femme que tu as aimée… »

Le Varangien l’interrompit.

« Je sens, dit-il, d’après les mots que tu viens de prononcer, que tu as trouvé moyen de faire vibrer les cordes de mon cœur, mais non d’ébranler mes principes. Je ne veux pas m’entretenir avec toi sur un sujet qui ne peut t’intéresser. Les nécromanciens, dit-on, exécutent leurs sortilèges au moyen des épithètes que nous donnons au Très-Haut : il ne faut donc pas s’étonner qu’ils emploient les noms des plus pures créatures de la Divinité pour atteindre leur but coupable. Je ne veux pas de pareilles associations aussi honteuses pour les morts peut-être que pour les vivants. Quelle qu’ait été ton intention, vieillard… car ne pense pas que tes étranges paroles aient passé sans être remarquées… sois assuré que j’ai dans le cœur de quoi défier également la séduction des hommes et des démons. »

À ces mots, le soldat, se détournant, quitta les ruines du temple après avoir fait une légère inclination de tête au philosophe.

Agelastès, après le départ du soldat, resta seul, apparemment absorbé dans les méditations, jusqu’à ce qu’il fût soudainement troublé par l’arrivée d’Achille Tatius. Le chef des Varangiens ne prit la parole qu’après avoir cherché à lire sur les traits du philosophe quel avait été le résultat de l’entrevue. Il dit alors : « Tu approuves toujours, sage Agelastès, le projet dont nous avons naguère causé ensemble ? — Oui, » répondit Agelastès d’un ton grave et ferme.

— Mais, répliqua Achille Tatius, tu n’as point gagné à notre parti