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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/131

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ce soldat dont le sang-froid et le courage nous serviraient mieux, à l’heure du danger, que les bras de mille lâches esclaves ? — Je n’ai pas réussi. — Et tu ne rougis pas de l’avouer, toi le plus sage de ceux qui prétendent encore à la sagesse grecque ? toi le plus habile de ceux qui assurent encore que la puissance qu’ils doivent à des mots, à des signes, à des noms, à des amulettes et à des charmes, sort de la sphère où vivent les hommes, tu as échoué dans l’art de persuader, comme un enfant qui dans une dispute se laisse battre par son précepteur ? Honte, honte à toi, qui ne peux soutenir par des arguments la réputation dont tu voudrais te parer ! — Silence ! je n’ai encore rien obtenu, il est vrai, sur cet homme obstiné et inflexible ; mais, Achille Tatius, je n’ai rien perdu. Nous en sommes tous deux où nous en étions hier, avec cet avantage, que je suis parvenu à l’intéresser à un objet dont il ne pourra bannir la pensée de son esprit ; il sera forcé de recourir à moi pour en apprendre davantage à ce sujet… Mais laissons pour un instant ce singulier personnage de côté ; sois seulement convaincu que, si la flatterie, l’argent et l’ambition ne peuvent pas réussir à le gagner, il nous reste encore à employer un appât qui le forcera à se dévouer aussi complètement à nous qu’aucun de ceux qui sont liés par notre contrat mystique et inviolable. Dis-moi donc comment vont maintenant les affaires de l’empire. Est-ce que cette marée de soldats latins, qui a si étrangement surgi au milieu des flots, bat encore les rivages du Bosphore ? Est-ce qu’Alexis conserve encore l’espoir de diminuer leur nombre et de diviser leurs forces dont il se flatterait en vain de braver l’attaque ? — Nous avons obtenu quelques nouveaux renseignements il y a peu d’heures. Bohémond est venu en ville avec six ou huit chevau-légers, et sous une espèce de déguisement. Si l’on considère combien il s’est trouvé souvent l’ennemi de l’empereur, cette démarche était périlleuse. Mais quand est-ce que ces Francs ont reculé devant le péril ? L’empereur s’est aperçu tout d’abord que le comte venait s’informer de ce qu’il pourrait obtenir en se présentant comme le premier objet de la libéralité grecque, et en offrant ses services comme médiateur entre Godefroy de Bouillon et les autres princes de la croisade. — C’est une espèce de politique par laquelle il voudrait se concilier les bonnes grâces de l’empereur. »

Achille Tatius continua : « Le comte Bohémond fut découvert à la cour impériale comme par accident, et accueilli avec des preuves d’estime et des marques de faveur qu’on n’avait jamais données à