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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/146

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passaient avec le moindre mélange de mauvaise humeur et de colère, et que nous avions le cœur plus joyeux le soir en chassant le cerf ou le sanglier, qu’en nous acquittant le matin de nos devoirs de chevalerie devant le portail de la vieille chapelle, vous nous faites une criante injustice. — Avec les Turcs vous ne jouirez pas de cet aimable échange de courtoisie, répliqua l’empereur ; c’est pourquoi je vous conseillerai de ne pas aller trop en avant, et de ne pas trop rester en arrière, mais de vous tenir près de l’étendard, qui est le but des efforts des plus vaillants infidèles, et où les meilleurs chevaliers sont appelés à les repousser. — Par Notre-Dame des Lances rompues, je ne voudrais pas que les Turcs fussent plus courtois qu’ils ne sont chrétiens, et je suis charmé que les noms d’infidèle et de chien de païen soient ceux qui conviennent aux meilleurs d’entre eux, traîtres qu’ils sont à la fois à leur Dieu et aux lois de la chevalerie. J’ai bonne espérance de les rencontrer au premier rang de notre armée, à côté de notre étendard et partout ailleurs, et d’avoir le champ libre pour faire mon devoir contre ces ennemis de Notre-Dame et des bienheureux saints, qui, par leurs mauvaises coutumes, sont encore plus particulièrement les miens… Cependant vous avez le temps de vous asseoir et de recevoir mon hommage, et je vous serai obligé d’expédier cette sotte cérémonie en aussi peu de temps qu’il vous sera possible. »

L’empereur se hâta de remonter sur son trône, et reçut dans ses mains les mains nerveuses du croisé, qui prononça la formule, et se dirigea ensuite vers les vaisseaux, accompagné de Baudouin. Celui-ci paraissait fort charmé de le voir en chemin de se rendre à bord, et il revint ensuite se placer à côté de l’empereur.

« Quel est, demanda l’empereur, le nom de cet homme singulier et arrogant ? — C’est Robert, comte de Paris, répondit Baudouin : il passe pour un des pairs les plus braves qui entourent le trône de France. »

Après un moment de réflexion, Alexis Comnène donna ordre de suspendre la cérémonie de la journée, craignant peut-être que l’humeur fantasque et sans gêne des étrangers n’occasionnât quelque nouvelle dispute. Les croisés furent donc, sans en être très fâchés, reconduits dans les palais où ils avaient été déjà accueillis avec hospitalité, et continuèrent, sans se faire prier, le festin qu’ils avaient interrompu, lorsqu’on les avait appelés à la prestation d’hommage. Les trompettes des différents chefs sonnèrent le rappel du peu de soldats qui composaient leur suite ; cependant les cheva-