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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/149

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pénétrable ou d’une lance magique, afin de diminuer l’invraisemblance des nombreuses victoires qu’ils accordaient au sexe le plus faible sur la portion masculine du genre humain.

Mais le charme de Brenhilda était d’une nature pus simple, et consistait principalement dans sa grande beauté.

Dès la première jeunesse, elle dédaignait les occupations de son sexe ; et ceux qui se hasardaient à rechercher la main de la jeune dame d’Aspremont, nom d’un fief militaire dont elle avait hérité, n’eurent pour réponse qu’ils devaient d’abord la mériter en se conduisant avec honneur dans la lice. Le père de Brenhilda était mort ; sa mère était d’un caractère facile et se laissait aisément mener par la jeune dame.

Les nombreux amants de Brenhilda se soumirent volontiers à des conditions qui étaient trop d’accord avec les mœurs du temps pour être rejetées. Un tournoi eut lieu au château d’Aspremont, et la moitié des valeureux antagonistes mordirent la poussière sous les coups de leurs rivaux plus favorisés du sort, et quittèrent la lice honteux et désappointés. Les amants victorieux s’attendaient à recevoir l’ordre de jouter les uns contre les autres ; mais ils furent bien surpris lorsqu’on les informa des volontés ultérieures de la jeune dame. Elle aspirait à porter elle-même une armure, à manier une lance, à monter un coursier, et pria les chevaliers de permettre à une dame qui leur inspirait de si honorables sentiments de se mêler à leurs jeux chevaleresques. Les chevaliers admirent courtoisement leur jeune maîtresse dans la lice, et sourirent à l’idée de la voir résister à tant de braves champions de leur sexe. Mais les vassaux et les vieux serviteurs du seigneur d’Aspremont sourirent aussi en se regardant, et s’attendirent à un résultat bien différent de celui que les adorateurs de la jeune amazone se promettaient. Les chevaliers qui allèrent à la rencontre de la jeune Brenhilda furent l’un après l’autre couchés sur la poussière ; et l’on ne peut nier que lutter ainsi contre une des plus jolies femmes de l’époque ait été une situation fort embarrassante. Chaque combattant craignait de charger avec toute l’impétuosité dont il était capable, et de donner pleine carrière à son cheval, et enfin ne voulait pas faire tout ce qui aurait été nécessaire pour obtenir la victoire, de peur de causer quelque mal irréparable à la belle adversaire qu’il combattait. Mais la dame d’Aspremont n’était pas une femme qu’on pouvait vaincre sans recourir à toute sa force, à tous ses talents. Les amants battus quittèrent la lice d’autant plus mortifiés de leur déconfiture que