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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/155

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se trouvant fort offensé, non sans raison, que les puissances des ténèbres osassent exercer leur pouvoir si près de la terre sainte, qu’on pourrait appeler la vraie source de lumière. Deux des plus vieux habitants de l’île se chargèrent de le conduire aussi près qu’ils oseraient de la porte principale, et ils n’en approchèrent qu’à une portée de flèche. Là le brave Franc, abandonné à lui-même, continua sa route avec un cœur ferme, et le ciel seul pour ami. Le bâtiment dont il approchait annonçait, par sa hauteur gigantesque et par la splendeur de sa construction, la puissance et la richesse du potentat qui l’avait construit. Les portes d’airain s’ouvrirent d’elles-mêmes comme d’espoir et de plaisir ; et des voix aériennes retentirent autour des clochers et des tours, félicitant peut-être le génie du lieu de l’approche d’un libérateur.

« Le chevalier entra, non pas sans surprise, mais du moins libre de toute crainte ; et les splendeurs gothiques qu’il vit partout étaient de nature à lui donner une haute idée des charmes de la dame dont la prison avait été si richement décorée. Des gardes portant le costume et les armes de l’Orient étaient sur les remparts et les créneaux, paraissant prêts à tendre leurs arcs ; mais ces guerriers étaient immobiles et silencieux, et ne prêtaient pas plus d’attention au chevalier qui arrivait armé de toutes pièces, que si un moine ou un ermite se fût approché de leur poste. Ils étaient vivants, et néanmoins, quant aux facultés et aux sens, ils pouvaient être considérés comme morts. Si l’ancienne tradition est vraie, le soleil avait brillé, la pluie était tombée sur eux pendant plus de quatre cents changements de saison sans qu’ils sentissent ou la chaleur vivifiante de l’un ou le froid de l’autre. Semblables aux Israélites dans le désert, leurs chaussures ne s’étaient pas usées, leurs vêtements n’étaient pas devenus vieux. Comme le temps les avait laissés ainsi et sans aucun changement, il devait les retrouver. » Le philosophe commença alors à leur raconter ce qu’il avait appris de la cause de leur enchantement.

« Le sage à qui ce charme puissant est attribué est un des mages qui suivaient les préceptes de Zoroastre. Il était venu à la cour de cette jeune princesse, qui le reçut avec toutes les attentions que peut inspirer la vanité satisfaite, de sorte qu’elle perdit bientôt la crainte respectueuse qu’elle ressentait d’abord pour ce grave personnage, en s’apercevant de l’ascendant que sa beauté lui donnait sur lui. Ce n’était pas une chose étonnante… C’est un fait qui arrive tous les jours… Car une femme belle entraîne sans peine l’homme