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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/223

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lemagne, mon aïeul, et par l’autel de ma patronne, Notre-Dame des Lances rompues. — Cela suffit. Je suis aussi tenu de secourir la comtesse votre femme, quoique je ne sois qu’un pauvre exilé, que si je me trouvais à la tête des rangs de la chevalerie ; car si quelque chose peut nous rendre la cause du mérite et de la bravoure encore plus sacrée, c’est de voir cette cause unie à celle d’une femme sans défense et dans l’infortune. — Je devrais me taire maintenant, sans accabler ta générosité de nouvelles demandes : néanmoins tu es un homme à qui, si la fortune ne t’a pas fait sortir des rangs de la noblesse, la Providence a rendu plus de justice en te donnant un cœur plus noble que l’on n’en voit parfois chez ceux qui sont attachés au corps brillant de la chevalerie. Dans ces cachots languit, car je ne peux dire qu’il vit, un vieillard aveugle, qui depuis trois ans ne connaît que sa prison ; il n’a d’autre nourriture que du pain et de l’eau, de communication qu’avec un gardien brutal ; et si la mort peut jamais apparaître comme un libérateur, ce doit être pour ce vieillard privé de la lumière. Qu’en dis-tu ? Ne pourrait-il profiter, dans l’état de misère inexprimable où il est réduit, de la seule occasion de recouvrer sa liberté, qui lui doive être jamais offerte ? — Par saint Dunstan, répondit le Varangien, tu tiens véritablement le vœu que tu as fait de redresser les injustices ! Ta propre situation est à peu près désespérée, et tu veux la rendre tout-à-fait telle en y unissant la destinée de tous les malheureux que le sort te fait rencontrer en chemin ! — Plus nous chercherons à soulager de misères humaines, dit le comte de Paris, plus nous emporterons avec nous les bénédictions de nos saints miséricordicux, et de Notre-Dame des Lances rompues, qui voit avec tant de douleur toute espèce d’infortunes ou de souffrances humaines, excepté celles qui arrivent dans l’intérieur de la lice. Mais allons, vaillant Anglo-Saxon, donne-moi une prompte réponse ; il y a dans ta figure quelque chose de franc et de sensé, et c’est avec la plus grande confiance que je désire nous voir partir tous deux à la recherche de ma bien-aimée comtesse ; et lorsque sa délivrance sera effectuée, elle nous sera d’un grand secours pour achever celle des autres. — Soit, nous allons nous mettre à la recherche de la comtesse Brenhilda, et si, lorsque nous l’aurons délivrée, nous nous trouvons assez forts pour rendre la liberté au vieil aveugle, ma lâcheté ou mon manque de compassion ne seront jamais un obstacle à cette entreprise. »