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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/227

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rence qui existe entre un véritable empereur et ce Brienne qui a une si haute idée de lui-même. » À ces mots ils se séparèrent, le Suivant avec un air et des manières beaucoup plus confiants que lorsqu’ils s’étaient abordés.

Agelastès regarda son compagnon avec un rire de mépris. « Voilà, dit-il, un imbécile aux yeux duquel la vanité dérobe l’éclat de la torche qui doit le consumer. Un misérable, qui n’a été élevé qu’à demi, n’agit qu’à demi, ne voit qu’à demi, n’ose qu’à demi ; dont les plus pauvres pensées (et celles qui méritent ce nom doivent être pauvres en effet) ne sont pas le produit de sa propre intelligence. Il espère circonvenir le fier, le hautain, l’orgueilleux Nicéphore Brienne ! S’il y parvient, ce ne sera pas par sa propre habileté, et encore moins par sa valeur. Anne Comnène, l’âme de l’esprit et du génie, ne sera pas enchaînée à une bûche sans imagination comme ce demi-barbare. Non… elle aura un époux de pure origine grecque, et abondamment pourvu de ces connaissances que l’on étudiait lorsque Rome était grande et la Grèce illustre. Ce ne sera pas un des moindres charmes du trône impérial que de le voir partagé par une compagne que ses études personnelles ont mise en état d’estimer et d’apprécier celles de l’empereur. » Il fit un pas ou deux, comme s’il se fut senti plus grand, et ensuite, comme arrêté par sa conscience, il ajouta d’une voix faible : « Mais si Anne était destinée à devenir impératrice, il s’ensuivrait naturellement qu’Alexis doit mourir… on ne pourrait compter sur son consentement… et qu’importe ?… la mort d’un homme ordinaire est indifférente lorsqu’elle place sur le trône un philosophe et une historienne. Et à quelle époque les maîtres de l’empire se sont-ils inquiétés de savoir quand et par la main de qui leurs prédécesseurs étaient morts ?… Diogène ! hé, Diogène ! » L’esclave ne vint point sur-le-champ, de sorte qu’Agelastès eut le temps d’ajouter quelques mots… « Bah !… j’ai un long mémoire à régler avec le ciel, disent les prêtres : ce sera un nouvel article à faire entrer dans le compte. La mort de l’empereur peut être amenée de vingt manières sans que j’en aie le blâme. Le sang que nous avons versé peut tacher notre main si l’on y regarde de près ; mais il ne laisse guère de traces sur notre front. » Ici Diogène entra… « La dame franque est-elle ici ? » dit le philosophe. L’esclave fit un signe affirmatif.

« Comment a-t-elle pris sa translation ? — Assez bien, comme venant de Votre Seigneurie. Elle s’irritait d’être retenue loin de