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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/299

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mettre toute sa confiance, outre qu’il était allé trop loin avec lui pour reculer, il se rassura, surtout quand il eut observé que le détachement qui semblait méditer une entreprise aussi hardie que l’attaque d’une capitale, n’était nullement nombreux. Il dit avec un air d’insouciance à ceux qui l’entouraient, qu’on ne pouvait guère supposer qu’une trompette annonçât un combat aussi près du camp des croisés, sans que, parmi tant de chevaliers, quelques uns désirassent prendre leur part d’un semblable spectacle.

Les conspirateurs eurent aussi leurs craintes secrètes lorsque le petit armement de Tancrède apparut dans le détroit. Agelastès monta une mule et se rendit sur le bord de la mer, à l’endroit aujourd’hui nommé Galata. Il y rencontra le vieux batelier de Bertha, que Godefroy avait remis en liberté, soit par mépris, soit que le récit qu’il ne manquerait pas de faire amusât les conspirateurs de la cité. À force de questions, Agelastès parvint à lui faire avouer que le détachement qu’on voyait venir était envoyé, autant qu’il avait pu le comprendre, à la prière de Bohémond, et sous les ordres de son parent Tancrède, dont la bannière bien connue flottait sur le vaisseau principal. Cette circonstance rendit le courage à Agelastès, qui, dans le cours de ses intrigues, avait ouvert des communications secrètes avec l’astucieux et mercenaire prince d’Antioche. Le but du philosophe avait été d’obtenir de Bohémond un corps de ses partisans, pour coopérer à la conspiration qui se tramait et renforcer le parti des insurgés. Il est vrai que Bohémond n’avait rien répondu ; mais le rapport que venait de faire le batelier et la vue de la bannière de Tancrède, parent de Bohémond, persuadèrent au philosophe que ses offres, ses présents et ses promesses avaient gagné à son parti le cupide Italien, et que ces hommes, choisis tout exprès par Bohémond, venaient agir en sa faveur.

Comme Agelastès se détournait pour s’en aller, il heurta presque une personne qui, cachée comme lui dans un vaste manteau, semblait également vouloir ne pas se faire reconnaître. Mais Alexis Comnène (car c’était l’empereur en personne) reconnut Agelastès, plutôt à sa taille et à son allure qu’à son visage, et ne put s’empêcher de murmurer, en passant, à son oreille ces vers bien connus, que les divers talents du prétendu sage permettaient de lui appliquer :

Grammaticus, rhetor, geometres, pictor, alipes,
Augur, schœnobates, medicus, magus ; omnia novit