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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/311

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extrême vigueur ; il est quelquefois malveillant dans ses rapports avec les hommes. J’ai entendu dire par les Varangiens qu’il appartenait à la ménagerie impériale. Il est convenable que nous enlevions le corps de ce malheureux homme, et que nous le cachions dans quelque buisson du jardin. Il n’est pas probable que son absence soit remarquée ce soir, et demain il se passera des choses qui empêcheront vraisemblablement qu’on ne s’occupe beaucoup de lui. » La comtesse Brenhilda ne refusa point, car elle n’était pas de ces femmes timides qui tremblent d’effroi à la vue d’un cadavre.

Se fiant à la parole qu’elle avait donnée, Agelastès avait permis à la comtesse et à sa suivante de parcourir librement le jardin, ou du moins la partie qui avoisinait le pavillon. Elles ne couraient donc pas grand risque d’être interrompues ; elles prirent le corps du philosophe et le déposèrent sans beaucoup de peine dans la partie la plus touffue d’un des bosquets dont le jardin était rempli.

Comme elles regagnaient le lieu de leur demeure ou de leur emprisonnement, la comtesse, moitié se parlant à elle-même, moitié s’adressant à Vexhelia, dit : « J’en suis fâchée, non pas que l’infâme misérable n’ait mérité que la punition du ciel tombât sur lui au moment même où il blasphémait et se vantait de son impiété, mais parce que le courage et la bonne foi de l’infortunée Brenhilda peuvent être soupçonnés, puisque le scélérat a été précisément assassiné lorsqu’il se trouvait seul avec elle et sa suivante, et que personne n’a vu la manière dont est mort ce vieux blasphémateur… Tu sais, » ajouta-t-elle en s’adressant au ciel… « tu sais, toi, sainte Dame des Lances rompues, protectrice de Brenhilda et de son époux, que, quelles que puissent être mes fautes, je suis exempte du moindre soupçon de trahison ; je remets ma cause entre tes mains, et je me confie en ta sagesse et en ta bonté pour porter témoignage en ma faveur. » Tout en parlant ainsi elles retournèrent au pavillon sans être aperçues, et ce fut par des prières pieuses et résignées que la comtesse termina cette soirée tragique.