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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/57

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des dés, ajoutant à ce passe-temps de fréquentes libations d’ale qu’on leur fournissait pour charmer leurs heures de faction. Quelques coups d’œil furent échangés entre Hereward et ses camarades ; et il ne les vit pas sans éprouver le secret désir de se joindre à eux ou de leur parler, car depuis le commencement de cette soirée, et son aventure avec le Mitylénien, Hereward s’était trouvé beaucoup plus ennuyé qu’honoré de cette promenade au clair de lune avec son commandant, à l’exception du seul moment bien court où il avait cru qu’ils étaient tous deux en chemin pour aller se battre en duel. Mais quoique négligents à observer le strict cérémonial du palais, les Varangiens avaient des idées rigides sur les devoirs militaires : c’est ce qui fit qu’Hereward, passant devant ses camarades sans leur parler, suivit son chef qui traversa la salle des gardes et plusieurs autres salles dont le luxe de l’ameublement le convainquit qu’il ne pouvait être que dans la résidence sacrée de l’empereur.

Enfin, après avoir traversé un nombre infini de passages et d’appartements auxquels le capitaine paraissait fort habitué, et qu’il parcourait d’un pas léger et furtif, comme s’il eût craint, pour me servir de son langage ampoulé, d’éveiller les échos de ces voûtes monumentales, ils aperçurent une autre espèce d’habitants. À plusieurs portes et dans divers appartements le soldat du Nord vit ces infortunés esclaves, la plupart d’origine africaine, dont quelques uns furent comblés de pouvoir et d’honneurs par les empereurs grecs, qui imitaient ainsi un des traits les plus barbares du despotisme oriental. Ces esclaves étaient diversement occupés : les uns se tenaient debout près des portes ou dans les galeries, le sabre à la main, comme s’ils eussent été chargés de les garder ; les autres, assis à la manière des Orientaux sur des tapis, se reposaient ou jouaient à différents jeux ; tous gardaient le plus profond silence. Pas un mot ne fut échangé entre le guide d’Hereward et les êtres avilis qu’ils rencontrèrent ainsi : un regard de l’Acolouthos lui suffisait pour s’assurer partout le passage.

Ils traversèrent encore plusieurs appartements vides ou occupés de la même manière, et ils entrèrent enfin dans une salle pavée en marbre noir ou en quelque autre pierre de couleur sombre, et beaucoup plus élevée et plus longue que toutes les autres. Diverses portes percées dans la muraille communiquaient, à ce que pensa l’insulaire, à autant de passages latéraux. Mais comme l’huile et la gomme alimentaient les lampes destinées à éclairer ces passages, et qu’elles répandaient une vapeur épaisse, il était difficile, à cette