Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme celui-ci. — Parle à voix basse et d’un ton plus soumis : je te l’ai dit vingt fois ; et baisse ta hache que tu ferais peut-être bien de laisser dans l’appartement extérieur. — Avec votre permission, noble capitaine, je suis peu disposé à me séparer de mon porte-respect. Je suis un de ces rustres maladroits qui ne sauraient se comporter convenablement s’ils n’ont quelque chose entre les mains pour les occuper, et ma hache fidèle est ce qui me va le plus naturellement. — Garde-la donc, mais souviens-toi de ne pas t’en aider pour gesticuler selon ta coutume, et de ne crier, ni beugler, ni hurler comme si tu étais sur le champ de bataille : songe au caractère sacré de ce lieu, où le moindre bruit devient un blasphème, et n’oublie pas que, parmi les personnes qu’il peut t’arriver de voir, il en est quelques unes pour lesquelles la plus légère offense égale le crime du sacrilège. »

Pendant cette exhortation, le maître et le disciple gagnèrent une des portes latérales qui ouvrait sur une espèce d’antichambre, à l’extrémité de laquelle était une porte à deux battants qui communiquait à un des principaux appartements du palais ; cette porte en s’ouvrant découvrit tout-à-coup aux regards de l’homme du Nord, à peine civilisé, un spectacle aussi nouveau qu’intéressant.

C’était un appartement du palais de Blaquernal, consacré spécialement à la fille chérie de l’empereur Alexis, la princesse Anne Comnène, connue de notre temps par ses talents littéraires, auxquels nous devons l’histoire du règne de son père. Elle était assise, présidant comme une souveraine à un cercle littéraire, tel que pouvait l’avoir alors une princesse impériale porphyrogénète, c’est-à-dire née dans la chambre de pourpre. Un coup d’œil à la ronde nous fera connaître ceux qui étaient réunis autour de la princesse.

La savante et célèbre Anne avait les yeux brillants, les traits réguliers, une expression douce et des manières agréables que chacun eût été disposé à accorder à la fille de l’empereur, quand bien même elle aurait possédé ces avantages d’une manière beaucoup moins réelle. Elle était assise sur une espèce de sopha, car à Constantinople il n’était pas permis aux femmes de se tenir couchées comme c’était l’usage parmi les femmes romaines. Une table placée devant elle était couverte de livres, de plantes, d’herbes et de dessins. Son siège était placé sur une estrade peu élevée, et ceux qui étaient admis dans l’intimité de la princesse, et avec lesquels elle aimait particulièrement à s’entretenir, avaient le privilège, pendant ces sublimes entretiens, d’appuyer leurs genoux sur le bord de