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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/82

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se mêlaient aux cris soutenus et plus réguliers que ces étrangers répètent trois fois, soit quand ils saluent leur chef et leurs princes, soit quand ils sont sur le point d’engager le combat. Plus d’un regard fut jeté en arrière par leurs camarades, et plus d’une physionomie dans les rangs eût été digne du ciseau d’un sculpteur, tandis que le soldat hésitait pour savoir s’il suivrait son devoir, qui lui prescrivait d’avancer avec l’empereur, ou l’impulsion de son courage, qui le portait à revenir sur ses pas et à se joindre à ses compagnons. La discipline l’emporta cependant, et le corps principal continua sa route.

« Il s’était écoulé une heure, pendant laquelle nous avions entendu de temps à autre le bruit du combat, lorsqu’un Varangien à cheval se présenta an côté de la litière de l’empereur. Le coursier était couvert d’écume, et avait évidemment, d’après la forme de ses harnais, la finesse de ses jambes et la délicatesse de ses articulations, appartenu à quelque chef du désert ; le sort des combats l’avait fait tomber entre les mains du guerrier du Nord. La large hache que portait le Varangien était aussi teinte de sang, et la pâleur de la mort était répandue sur son visage. Ces indications d’un combat récent furent jugées suffisantes pour excuser l’irrégularité de sa manière de se présenter, lorsqu’il s’écria : « Noble prince, les Arabes sont défaits, et vous pouvez continuer votre marche plus à loisir. — Où est Jezdegerd ? » dit l’empereur, qui avait plusieurs raisons de redouter ce célèbre chef.

« Jezdegerd ! répondit le Varanoien, est dans le lieu où vont les braves qui tombent en faisant leur devoir. — Et ce lieu est… » demanda l’empereur, impatient de connaître positivement le sort d’un si formidable adversaire.

« Celui où je vais de ce pas, » répliqua le fidèle soldat, qui glissa de son cheval en prononçant ces mots, et expira aux pieds des porteurs de la litière.

« L’empereur ordonna aux gens de sa suite de veiller à ce que le corps de ce fidèle serviteur, à qui il destinait un honorable tombeau, ne fût point abandonné aux chakals et aux vautours ; et quelques uns de ses compatriotes, les Anglo-Saxons, chez lesquels il jouissait d’une grande réputation, prirent le corps sur leurs épaules, et continuèrent leur marche avec ce surcroît d’embarras, préparés à combattre pour leur précieux fardeau, comme le vaillant Ménélas pour défendre le corps de Patrocle. »

La princesse Anne Comnène s’arrêta naturellement à cet endroit ;