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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/439

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femme de charge. Tandis qu’on préparait la voiture, on vint l’avertir que le duc désirait lui parler, et on la fit entrer dans un magnifique salon, où elle vit, à sa grande surprise, qu’il voulait la présenter à sa femme et à ses filles.

« Je vous amène ma petite compatriote, duchesse, » dit-il en la présentant à sa femme. « Avec une armée de jeunes braves aussi courageux et aussi fermes qu’elle, et avec une aussi bonne cause, je ne craindrais pas deux contre un. — Papa, » dit une jeune fille vive et espiègle, d’environ douze ans, « souvenez-vous que vous étiez au moins un contre deux à la bataille de Sheriff-Muir, et cependant… » Elle se mit à chanter la ballade bien connue :

Les uns nous donnent la victoire,
D’autres prétendent cette gloire ;
Il en est de qui les avis
La refusent aux deux partis ;
Mais une chose est avérée ;
Une bataille, je le dis,
Devant Sheriff-Muir fut livrée.

« Eh quoi ! voilà ma petite Mary qui devient tory à ma barbe ! Voilà une belle nouvelle que notre compatriote va conter en Écosse ! — Il ne serait pas étonnant que nous devinssions tous torys, après les remercîments que nous avons eus des whigs, dit une autre jeune personne. — Allons, taisez-vous, petites rebelles, et allez habiller vos poupées. Et quant à la danse de Dumblane :

Si l’on ne l’a pas bien dansée,
Nous la pourrions danser encor,
Mon trésor.

— Ce pauvre papa, il n’est pas en fonds sur ce sujet, dit lady Mary, il se répète. C’est ce qu’il a chanté sur le champ de bataille, lorsqu’on lui a annoncé que les montagnards avaient taillé en pièces son aile gauche avec leurs grands sabres. »

Le duc ne répondit à cette saillie qu’en tirant un peu les cheveux de la petite espiègle. « Ah ! les braves montagnards, les bonnes claymores ! s’écria-t-il ; malgré le mal qu’ils m’ont fait, je ne puis m’empêcher de leur vouloir à jamais du bien… Mais allons, petites espiègles, dites donc quelques mots de politesse à votre compatriote. Je voudrais que vous eussiez la moitié de son bon sens, et j’espère que vous aurez un cœur et des sentiments aussi droits que les siens. »

La duchesse s’avança, et en quelques mots où il entrait autant de bonté que de politesse, elle assura Jeanie de l’estime que lui inspirait une personne qui joignait tant de fermeté et de courage