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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/117

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Lorsque de part et d’autre il y a des qualités estimables, cette tâche est toujours pénible : la circonstance présente la rendait doublement triste. Tous reçurent ce qui leur était dû, et même quelque chose de plus, et ils prirent congé de leur jeune maîtresse, en la remerciant et en faisant des vœux pour son bonheur ; quelques-uns même répandirent des larmes. Il ne restait plus dans le salon que Dominie Sampson, miss Bertram, et M. Mac-Morlan qui était venu pour conduire Lucy chez lui. « Et maintenant, reprit la pauvre fille, je dois faire mes adieux au plus ancien et au meilleur de mes amis. Dieu vous bénisse, monsieur Sampson, et vous récompense des bontés que vous avez eues en instruisant votre pauvre élève, et de l’amitié que vous aviez pour celui qui n’est plus ! J’espère que j’aurai souvent de vos nouvelles. » Elle glissa dans sa main un papier qui contenait quelques pièces d’or, et se leva comme pour quitter la chambre.

Dominie Sampson se leva aussi, mais il resta immobile comme frappé du plus grand étonnement. L’idée de se séparer de miss Lucy, n’importe où elle allât, ne s’était jamais présentée à la simplicité de son imagination. Il jeta l’argent sur la table. « Certainement ce n’est point assez, dit Mac-Morlan se méprenant sur ses intentions, mais les circonstances… »

M. Sampson agita sa main avec impatience. « Ce n’est point l’intérêt, ce n’est point l’intérêt ; mais moi qui ai mangé le pain de son père, qui ai bu à sa table pendant plus de vingt ans, penser que je doive la quitter, et la quitter dans la détresse et dans la douleur ! Non, miss Lucy, vous ne l’avez jamais pensé ! vous n’auriez pas consenti à chasser le pauvre chien de votre père : me traiteriez-vous plus mal que lui ? Non, miss Bertram, tant que je vivrai, je ne me séparerai point de vous. Je ne vous serai pas à charge, j’ai déjà pensé aux moyens d’éviter cela. Mais comme Ruth disait à Noémi : « Ne me prie pas de te quitter et de me séparer de toi ; car où tu iras j’irai, où tu habiteras j habiterai ; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu. Où tu mourras je mourrai, et j’y serai ensevelie. » Que le Seigneur me fasse périr, et plus encore, si autre chose que la mort peut me séparer de vous ! »

Pendant ce discours, le plus long qu’on eût jamais entendu prononcer à Dominie Sampson, les yeux de cette affectionnée créature étaient baignés de larmes, et ni Lucy, ni Mac-Morlan, ne purent s’empêcher de sympathiser avec cet éclat inattendu de sensibilité et d’affection. « Monsieur Sampson, dit Mac-Morland après avoir eu