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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/173

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à douter s’il ne s’était pas trop avancé avec Cromwell, bien que l’état du pays, tourmenté et déchiré par les factions, fût tellement désespéré que la promotion du général à la tête du gouvernement exécutif semblait la seule chance possible d’échapper à un renouvellement de la guerre civile. Les sentiments plus exaltés et plus purs d’Alice lui faisaient perdre de sa dignité à ses propres yeux ; et, quoique toujours attaché à son opinion, qu’il valait mieux que le vaisseau fût dirigé par un pilote qui n’en aurait pas réellement le droit, que de le laisser se briser contre les écueils, il sentait qu’il n’épousait pas le côté de la question le plus droit, le plus noble et le plus désintéressé.

Tandis qu’il cheminait plongé dans ces déplaisantes méditations et considérablement rabaissé dans sa propre estime en raison de ce qui venait d’arriver, Wildrake, qui marchait à son côté, n’étant pas ami d’un long silence, entama la conversation : « J’ai réfléchi, Mark, lui dit-il, que si vous et moi nous avions été appelés au barreau… ce qui, soit dit en passant, a failli m’arriver dans plus d’un sens… je dis que si nous étions devenus avocats plaidants, j’aurais été le plus éloquent, j’aurais eu plus que vous le talent de la persuasion. — C’est possible, répondit Éverard, quoique je ne t’aie jamais entendu déployer ton éloquence que pour engager un usurier à te prêter de l’argent, ou un cabaretier à diminuer ton compte. — Et pourtant aujourd’hui, ou cette nuit plutôt, j’aurais fait, je pense, une conquête qui vous a passé devant le nez. — Vraiment ! » dit le colonel redoublant d’attention.

« Oui, voyez-vous ; votre principal but était de déterminer mistress Alice Lee… Ah ! par le ciel ; c’est une charmante créature… J’approuve fort votre goût, Mark… Je disais que vous vouliez lui persuader, ainsi qu’au fier et vieux Troyen son père, d’accepter vos offres, de retourner à la Loge, et d’y vivre tranquillement, par tolérance, comme tant d’autres, au lieu de se loger dans une hutte à peine bonne pour un Tom de Bedlam ? — Tu as raison ; tel était certainement mon plus grand motif dans cette visite. — Mais peut-être vous proposiez-vous de répéter souvent ces visites, afin de veiller sur la jolie mistress Lee… hein ? — Je n’ai jamais conçu une idée si égoïste ; et si ces sortiléges nocturnes qui troublent le château étaient expliqués et finis, je partirais sur-le-champ. — Votre ami Noll attend, ce me semble, davantage de vous ; il s’attend, en cas où la réputation de loyauté de sir Henri amènerait quelques uns de nos pauvres exilés, de nos fugitifs à la Loge, que vous serez aux aguets et