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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/247

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de reproche ; « serez-vous donc toujours le même ?… Agenouillez-vous pour remercier le ciel, et non le plus faible de ses agents. Vous échappez encore une fois à un grand péril… Pour mériter la bonté du ciel, rappelez-vous dans quelle intention il vous a sauvé ! Partez, vous et Jocelin, vous avez un devoir à remplir ; et soyez convaincu que votre père se rétablira bien plus promptement s’il ne vous voit pas de quelques instants. Descendez… descendez au jardin, et emmenez votre compagnon. — Merci, mille fois merci ! » répondit Albert Lee, et s’élançant vers la fenêtre, il disparut aussi vile qu’il était entré… Au même instant Jocelin le suivit par le même chemin.

Alice, dont les craintes pour les jours de son père étaient un peu calmées, et voyant tout ce qui venait de se passer nouvellement parmi les différents personnages de cette scène, ne put s’empêcher d’en appeler au vénérable ministre. « Bon docteur, répondez à une seule question ; mon frère Albert était-il ici tout à l’heure, ou n’ai-je que rêvé tout ce qui est arrivé depuis cinq minutes ? Il me semblerait, si je ne vous voyais pas, que je croirais que ce terrible coup d’épée… ce cadavre… ce vieillard comme mort… et ce soldat livré à un muet désespoir n’étaient qu’un rêve de ma part. — Si vous avez rêvé, ma douce Alice, lui répondit le docteur, je souhaite que toutes les garde-malades aient vos qualités, puisque vous avez mieux soigné noire patient durant voire sommeil que la plupart de ces vieilles dormeuses ne peuvent le faire quand elles sont fort bien éveillées. Mais votre rêve est sorti par la porte de corne, ma chère amie, et vous me rappellerez cela pour que je vous l’explique quand nous en aurons le temps. Albert était réellement là, et il va revenir. — Albert ! répéta sir Henri : qui nomme mon fils ? — C’est moi, mon cher patron ; permettez-moi de vous bander le bras. — Ma blessure !… De tout mon cœur, docteur, » ajouta sir Henri se levant, et reprenant progressivement ses souvenirs. « Je savais depuis long-temps que vous guérissiez le corps aussi bien que l’âme, car vous avez servi dans mon régiment en qualité de chirurgien et de chapelain… Mais où est le coquin que j’ai tué… je n’ai jamais fait plus belle entaille de ma vie. La poignée de ma rapière a frappé contre ses côtes. Aussi le drôle est mort ou ma main droite a oublié son adresse. — Il n’y a personne de tué, répondit le docteur, et nous devons en remercier Dieu, puisqu’il n’y avait à tuer que des amis. Voici à terre un bon manteau et un pourpoint qui ont reçu une blessure qui exigera quelque