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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/260

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Tous les convives, à l’exception de Kerneguy qui semblait penser qu’un bon morceau, de quelque genre qu’il fût, pouvait se manger sans scrupule, levèrent les mains en signe d’étonnement.

« Oui, dit Wildrake. La coquine de… (je demande encore une fois pardon à mademoiselle, depuis le bout de sa fontange jusqu’à l’ourlet de son vertugadin.) J’ai su depuis que cette maudite créature était une nourrice de charité qui avait été payée six mois d’avance pour l’enfant… Corbleu ! j’arrachai le poupon des griffes de cette chienne-louve ; et je suis parvenu, quoique Dieu sache que j’ai vécu dans la misère moi-même, à élever mon gros Déjeuner, comme je l’ai toujours appelé depuis : c’était payer assez cher une plaisanterie. — Monsieur, j’honore votre humanité… je vous remercie de votre courage, et suis charmé de vous voir ici, dit le bon chevalier, dont les yeux se remplissaient de larmes ; vous êtes aussi le brave officier qui vîntes couper nos rets !… Oh ! monsieur, si vous aviez seulement voulu vous arrêter quand je vous appelais, et que vous nous eussiez permis de balayer les rues de Brentford avec nos mousquets, nous allions ce jour-là jusqu’à Londres. Mais votre volonté était alors ce qu’on pouvait faire de mieux. — Eh ! oui vraiment : » dit Wildrake en se redressant d’un air glorieux et triomphant dans son fauteuil. « Je dois boire maintenant un coup en l’honneur de tous ces braves qui ont combattu et péri à ce même assaut de Brentford. Nous chassâmes tout devant nous comme le vent chasse la poussière, jusqu’à ce que les boutiques où se vendait l’eau-de-vie et d’autres articles aussi tentants nous arrêtassent… Corbleu ! monsieur, nous autres, les mangeurs d’enfants, nous avions trop de connaissances dans Brentford, et notre brave prince Rupert sut toujours mieux diriger une attaque qu’une retraite. Pour ma part, je ne fis qu’entrer dans la maison d’une pauvre veuve qui avait beaucoup de filles, et que je connaissais depuis long-temps pour m’être arrêté quelquefois chez elle à cheval et y avoir mangé un morceau, quand ces badauds de piqueurs, cette artillerie pointue, comme vous les nommez fort bien, se rallièrent et revinrent à la charge, les piques en avant, aussi intrépidement que des béliers de Cotswold. Je descendis l’escalier d’un saut… et m’élançai sur mon cheval… Mais ventrebleu ! j’imagine que tous mes soldats avaient aussi bien que moi des veuves et des orphelines à consoler, car je ne pus en emmener plus de cinq. Nous parvînmes pourtant à nous frayer un passage, et j’emportai mon petit