Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Déjeuner sur le pommeau de ma selle devant moi, et tout le monde poussait des cris, comme si on eût pensé que j’allais tuer, rôtir et manger le pauvre enfant dès que je serais revenu à nos quartiers. Mais du diable si un seul badaud a tenté de me reprendre mon cher nourrisson et délivrer mon petit Gâteau ; ils se contentèrent de crier après moi : Holà ! arrêtez ! — Hélas, hélas ! dit le chevalier, nous cherchions exprès à nous faire pires que nous ne l’étions en effet, et notre méchanceté devait nécessairement nous priver des bénédictions de Dieu, même dans une bonne cause. Mais il est inutile de penser au passé. Nous ne méritons pas les victoires que Dieu nous a laissé remporter, car nous n’en avons jamais profité en dignes soldats, en bons chrétiens ; c’est ainsi que nous avons donné à ces vils faquins l’avantage sur nous, quand ils tenaient, par pure hypocrisie, à la discipline et au bon ordre, que nous, qui tirions nos épées pour une meilleure cause, nous observions par principes. Mais voici ma main, capitaine ; j’ai souvent souhaité de revoir l’honnête officier qui avait chargé si à propos pour nous sauver, et je vous estime en raison du soin que vous avez pris du pauvre enfant. Je suis charmé de pouvoir en cette maison ruinée vous offrir encore un asile, quoique nous ne puissions vous servir des poupons rôtis ou des nourrissons à l’étuvée… heim ! capitaine ? — Vraiment, sir Henri, c’est à grand tort qu’on nous avait fait à ce sujet une si mauvaise réputation. Je me souviens que Lacy, un vieil acteur, et un lieutenant de notre compagnie, s’en sont bien moqués dans une pièce qu’on jouait quelquefois à Oxford, quand nos cœurs étaient mieux disposés à la joie, et intitulée, je crois, la Vieille Troupe[1]. »

  1. L’antiquaire dramatique peut compulser cette vieille comédie. Une scène ou deux roulent sur l’étrange idée populaire que les Cavaliers du jour mangent les enfants. Cette pièce fut composée par l’acteur Lacy, qui y joua lui-même un rôle. Miss Edgeworth cite le passage suivant d’un poème vulgaire, qui fait allusion au même préjugé :

    La poste qui de Coventry
    Vint à cheval en manteau rouge,
    Donna des nouvelles ici ;
    Elle dit comme avait péri
    Lunsford, hélas ! qui plus ne bouge.
    Et dans sa poche ayant la main
    D’un enfant qu’il tua soudain.

    Ceci ne fut pas une moindre cause d’irritation du peuple contre le roi Charles qui avait tenté de placer dans le gouvernement de la tour de Londres le même Lunsford, bien que très capable d’une telle atrocité.