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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/287

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sont ceux qui se remettent le plus vite. — Eh bien ! puisque votre père était courtisan, et que vous avez appris, je pense, quelque chose du métier, parlez-nous un peu, maître Kerneguy, de celui dont nous aimons tant à nous entretenir… du roi ; nous sommes tous ici sûrs et discrets, n’ayez donc pas peur. Il donnait de grandes espérances dans sa jeunesse ; je pense que les fleurs doivent promettre aujourd’hui des fruits abondants ? »

Pendant que le chevalier parlait, Louis baissa les yeux, et parut d’abord chercher sa réponse. Mais avec son admirable habileté à se tirer de pareils embarras, il répondit : « Que réellement il n’osait traiter un pareil sujet en présence de son patron, le colonel Albert, qui avait été plus à même que lui de juger du caractère du roi Charles. »

Albert fut donc aussitôt assailli par le chevalier, qui le supplia, ainsi qu’Alice, de donner à la compagnie des détails sur le caractère de Sa Majesté.

« Je parlerai d’après les faits, répondit Albert, et alors on ne m’accusera point de partialité. Si le roi n’avait pas un génie entreprenant et des talents militaires, il n’aurait jamais tenté l’expédition de Worcester… S’il n’avait pas un grand courage, il n’aurait pas disputé si long-temps la bataille que Cromwell la crut un moment perdue… Qu’il est aussi prudent que patient, les circonstances de sa fuite le prouvent ; qu’il possède l’amour de ses sujets, c’est évident, puisque, nécessairement connu de beaucoup d’entre eux, il n’est trahi par personne. — Honte à vous, Albert ! s’écria sa sœur ; est-ce ainsi qu’un bon Cavalier doit peindre son prince, appliquant mesquinement un exemple à chacun des éloges qu’il lui donne, comme un colporteur qui mesure de la toile à l’aune ?… Ah, fi !… je ne m’étonne pas que vous ayez été vaincu si vous combattiez aussi froidement pour votre roi que vous en parlez maintenant. — J’ai fait tout mon possible, sœur Alice, pour tracer un portrait qui ressemblât à l’original que j’ai vu et connu… Si c’est un portrait d’imagination qu’il vous faut, adressez-vous à un artiste plus ingénieux que je ne viens de me montrer. — Eh bien ! c’est moi qui vais être cet artiste, dit Alice, et dans mon portrait, notre monarque paraîtra avec toutes les qualités dignes de sa naissance, il sera tout ce qu’il doit être, dans son malheur même… tout ce que je suis sûre qu’il est, ainsi doit le croire tout cœur loyal de son royaume. — Bien, bien, Alice ! s’écria le vieux chevalier… nous mettrons ton portrait en parallèle avec celui de ton frère, et notre