Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/32

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demment été de drap vert de Lincoln ; on y apercevait même des traces de broderies. Toute sa personne avait un air d’audace insouciante et de bonne humeur ; et malgré la terreur que leur inspirait la présence des soldats, quelques bourgeois ne purent s’empêcher de lui crier : « Bien dit, Jocelin Joliffe ! — Jocelin Joliffe, l’appelez-vous ? » continua le prédicateur sans témoigner ni confusion ni déplaisir de cette interruption… « Je le ferai jocelin de la prison s’il m’interrompt encore une fois. C’est un de vos gardes du parc, à ce que je vois ; ils ne peuvent jamais oublier qu’ils ont porté un C. R.[1] sur leurs plaques et leurs cors de chasse, comme un chien porte sur son collier le nom de son maître… Bel emblème pour un chrétien. Mais le chien a plus de quoi s’enorgueillir… Il porte un habit qui lui appartient, tandis que l’esclave méprisable porte celui de son maître ; j’ai vu plus d’une fois l’un de ces misérables pendu au bout d’une corde… Où en étais-je ?… Je vous reprochais votre apostasie, hommes de Woodstock… Oui, vous me direz que vous avez renoncé au papisme, au prélatisme, et vous essuyez votre bouche comme des pharisiens que vous êtes ; il n’y a que vous qui soyez purs en religion. Mais je vous le dis, vous êtes comme Jéhu, fils de Nimshi, qui renversa la maison de Baal, et qui ne se sépara pas des fils de Jéroboam. De même vous ne mangez pas de poisson le vendredi avec les aveugles papistes, des pâtés de Noël avec des prélats fainéants ; mais vous vous gorgez de vin chaque soir avec votre garde aveugle, le ministre presbytérien ; vous parlez mal de ceux qui ont un rang un peu élevé, et vous déclamez contre la république ; vous vous glorifiez vous-mêmes de votre parc de Woodstock, et vous dites : « N’a-t-il pas été entouré de murs avant tout autre en Angleterre, et par Henri, fils de Guillaume appelé le Conquérant ? » Vous avez donc une loge de prince que vous appelez la loge royale ; et vous avez un chêne que vous appelez le chêne du roi ; vous dérobez et vous mangez le gibier du parc, en disant : « C’est la venaison du roi : nous l’arroserons en buvant un coup à sa santé ; nous sommes plus dignes de la manger que ces scélérats de têtes-rondes, les républicains. « Mais écoutez-moi, et tenez-vous pour avertis ; nous sommes venus pour disputer avec vous sur toutes ces choses ; notre nom sera un coup de canon qui fera tomber en ruine cette loge où vous allez prendre vos ébats sous d’agréables ombrages ; nous servirons de coins pour fendre le chêne du roi, comme des bûches pour chauffer le

  1. Charles-Roi. a. m.