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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/121

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observateur pénétrant ; mais les espèces, comme disent, je crois, les naturalistes, se distinguent et se caractérisent au premier coup d’œil.

— Alors, si je ne me trompe, mes cinq cousins les plus âgés ont à peu près le même caractère.

— Oui ; on trouve chez eux heureusement mélangés l’ivrogne, le garde-chasse, le querelleur, le palefrenier et l’imbécile ; mais de même qu’il n’y a pas sur le même arbre deux feuilles absolument semblables, ces heureux ingrédients, entrant par quantités inégales dans chaque individu, forment une agréable diversité pour ceux qui aiment à étudier les caractères.

— Je vous en prie, miss Vernon, tracez-moi une esquisse de chacun de ces portraits.

— C’est une légère faveur que je vous accorderai volontiers ; je vais donc faire un grand tableau de famille. Percie, le fils aîné, l’héritier présomptif, tient plutôt de l’ivrogne que du garde-chasse, du querelleur, du palefrenier ou de l’imbécile… Mon précieux Thernie a plus du querelleur que de l’ivrogne, du garde-chasse, du palefrenier ou de l’imbécile… John, qui dort des semaines entières dans les taillis, tient beaucoup du garde-chasse… Le palefrenier domine chez Dickon[1], qui fait deux cents milles en un jour et une nuit pour se montrer à une course de chevaux… Et l’imbécile domine tellement parmi les autres qualités de Wilfred, qu’on peut l’appeler positivement une bête.

— Voilà une collection précieuse, miss Vernon, et les différences individuelles appartiennent à des espèces fort intéressantes ; mais n’y a-t-il pas dans ce tableau une place pour sir Hildebrand ?

— J’aime mon oncle, répondit-elle ; il m’a fait quelque bien, du moins il a voulu m’en faire. Je vous laisserai donc tracer vous-même son portrait lorsque vous le connaîtrez mieux. »

« Allons, pensai-je, elle garde encore quelques ménagements ; c’est heureux. Mais pouvais-je m’attendre à une satire si amère de la part d’une jeune personne si aimable, si jolie ?

« Vous pensez à moi, » dit-elle en me regardant, comme si elle eût voulu lire au fond de mon âme.

« J’en conviens, » répondis-je un peu déconcerté par la bizarrerie d’une question si imprévue ; puis, tachant de donner à cet

  1. Dic, Dickon, ou Richard. a. m.