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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/122

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aveu une tournure de galanterie. « Et comment, ajoutai-je, me serait-il possible de penser à autre chose, placé comme j’ai le bonheur de l’être ? «

Elle sourit avec cet air de dédain concentré qu’elle seule savait donner à sa physionomie.

« Je dois vous informer une fois pour toutes, monsieur Osbaldistone, que m’adresser des compliments, c’est se donner une peine inutile ; ne vous mettez donc pas ainsi en dépense de jolies phrases… Elles servent aux beaux messieurs qui voyagent en province, comme ces colifichets, ces grains de verre, ces bracelets, que les navigateurs emportent pour apprivoiser les sauvages habitants de contrées nouvellement découvertes. Ne vous hâtez pas trop de débiter vos précieuses marchandises ; vous trouverez dans le Northumberland des belles qu’elles pourront séduire. Près de moi elles seraient inutiles, car j’en connais la véritable valeur. »

Je restai muet et confondu.

« Vous me rappelez en ce moment, » continua-t-elle en reprenant le ton de la gaîté et de l’indifférence, « ce conte de fée dans lequel un homme trouve soudainement changé en pièces d’ardoise, l’argent qu’il avait porté au marché. J’ai décrédité, j’ai ruiné votre boutique de compliments par une malheureuse observation. Mais, allons, n’y pensons plus. Vous avez une mine bien trompeuse, monsieur Osbaldistone, si vous ne savez pas dire des choses plus agréables que ces fadeurs que tout homme du monde se croit obligé de réciter à une malheureuse fille ; et cela uniquement parce qu’elle a une robe de soie et un fichu de gaze, tandis qu’il porte, lui, un habit de drap fin brodé d’or. Votre pas ordinaire, comme dirait un de mes cousins, convient beaucoup mieux que votre amble galant. Efforcez-vous d’oublier mon malheureux sexe, appelez-moi Tom Vernon, si vous voulez, mais parlez-moi comme vous parleriez à un ami, à un compagnon ; vous ne savez pas combien je vous aimerai.

— C’est là une promesse bien engageante, répondis-je.

— Encore ! répliqua miss Vernon en levant le doigt ; je vous ai dit que je ne supporterais pas l’ombre d’une galanterie : et maintenant, quand vous aurez fait raison à mon oncle, qui vous menace de ce qu’il appelle une rasade, je vous dirai ce que vous pensez de moi »

Lorsqu’en docile neveu j’eus vidé le verre, la conversation gé-