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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/197

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cet homme. Mais, grand Dieu ! le dessein qui le porte à s’insinuer dans la confiance d’une créature déjà si délaissée, la persévérance opiniâtre avec laquelle il a poursuivi ce dessein d’année en année, sans éprouver un seul instant de remords ou de pitié : ce projet dans lequel il cherchait à tourner en poison la nourriture qu’il donnait à mon esprit ; ô divine Providence ! que serais-je devenue dans ce monde et dans l’autre, si j’étais tombée dans les pièges de ce scélérat ? »

Je fus si frappé de l’infâme perfidie que ces mots révélaient, que je me levai de ma chaise, sachant à peine ce que je faisais ; portant la main à mon épée, j’allais quitter l’appartement pour chercher sur qui je déchargerais ma juste indignation. Respirant à peine, et avec des regards où l’expression de la plus vive crainte avait remplacé le ressentiment et le mépris, miss Vernon se jeta au-devant de moi.

« Arrêtez, dit-elle, arrêtez ! Quelque juste que soit votre indignation, vous ne connaissez pas la moitié des secrets de cette dangereuse prison. » Jetant autour d’elle un regard d’inquiétude, elle ajouta à voix basse : « Il a un charme qui défend sa vie. Vous ne pouvez l’attaquer sans mettre d’autres existences en péril, sans provoquer une plus vaste destruction. Sans cela, dans quelque instant de justice il aurait subi son châtiment, ne fût-ce que de cette faible main. Je vous ai dit, ajouta-t-elle en me ramenant à ma chaise, que je n’avais pas besoin de consolateur ; je vous dis maintenant que je n’ai pas besoin de vengeur.

Je m’assis machinalement, réfléchissant à ce qu’elle m’avait dit, et songeant aussi à ce que j’avais oublié dans le premier feu de l’indignation, que je n’avais aucun titre pour me constituer le champion de miss Vernon. Elle garda un instant le silence pour nous laisser à tous deux le temps de nous calmer, puis s’adressant à moi avec plus de sang-froid.

« Je vous ai déjà dit que Rashleigh se trouve intéressé dans un mystère d’une nature dangereuse ; tout perfide qu’il est, quoiqu’il sache que je connais toutes ses infamies, je ne puis… je n’ose rompre ouvertement avec lui, ni le braver. Vous-même, monsieur Osbaldistone, il vous faut user de patience avec lui, déjouer ses artifices par la prudence, non par la violence, et surtout éviter des scènes telles que celle d’hier, qui ne peuvent que lui donner de redoutables avantages sur vous. C’est l’avis que je voulais vous donner, et pour lequel je désirais vous entretenir ;