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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/209

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ses râteaux, et les jeta dans une brouette, sans se hâter toutefois, me laissant tout le temps de lui faire toutes les questions que je voudrais avant qu’il les eût déposés à la serre où ils devaient rester le lendemain. Je crus qu’il valait mieux lui tout raconter sur-le-champ, de peur que le drôle n’attribuât mon silence à des motifs trop graves.

« J’aurais voulu voir votre compatriote, André, et apprendre de lui-même ces nouvelles. Vous savez sans doute que cet imbécile de Morris m’a causé quelque désagrément (ici André ricana d’un air significatif), et je désirerais me trouver avec votre cousin le marchand pour lui faire quelques questions sur ce qu’il a appris à Londres, si cela ne le dérange pas trop.

— Rien de plus aisé, répondit André ; je n’ai qu’à faire entendre à mon cousin que vous avez besoin de quelques paires de bas, et il viendra vous trouver aussi vite que ses jambes pourront l’amener.

— Oh ! oui, assurez le que je ferai des emplettes ; comme la soirée est belle, je me promènerai dans le jardin jusqu’à son arrivée ; la lune va bientôt se lever. Amenez-le à la petite porte de derrière ; je vais m’amuser à regarder les buissons et les massifs au clair de la lune.

— Bien, bien ; c’est ce que j’ai souvent dit : la feuille du chou brille beaucoup au clair de la lune ; c’est comme une dame au milieu de ses bijoux. »

En parlant ainsi Fairservice s’en alla joyeusement. Il avait environ deux milles à faire, et il entreprit cette course avec plaisir pour procurer à son cousin le débit de quelques articles de son commerce, quoique probablement il n’eût pas dépensé six sous pour le régaler d’un pot d’ale. La bienveillance d’un Anglais se fût manifestée d’une manière tout opposée, pensais-je en parcourant les allées de gazon bordées de haies élevées de houx et d’ifs, qui composent l’antique jardin d’Osbaldistone-Hall.

En revenant sur mes pas, il était naturel que mes yeux se portassent sur les fenêtres de la vieille bibliothèque ; elles étaient étroites, mais en assez grand nombre, et donnaient sur le jardin en face de moi. J’y vis briller de la lumière ; je n’en fus pas surpris, car je savais que miss Vernon y allait souvent le soir, bien que par délicatesse je me fusse imposé la loi de ne jamais aller la trouver à cette heure, où le reste de la famille étant à table pour toute la soirée, nos entrevues auraient été réellement des tête-