Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

humble serviteur, Robert Campbell, et la belle Diana Vernon. Rappelez-vous tout cela, et vous ne douterez plus que cette lettre ne soit pour moi. »

Je restai comme stupéfait de mon manque de discernement… Toute la nuit, la voix, et même les traits de cet homme, quoique imparfaitement vus, m’avaient rappelé de vagues souvenirs, mais sans que je pusse me rendre compte des lieux ou des personnes avec lesquelles ils pouvaient avoir rapport. Ceci fut tout à coup pour moi un trait de lumière. Cet homme était Campbell lui-même ; je ne pouvais le méconnaître : c’étaient ses traits prononcés et sévères, son air réfléchi, son langage figuré, son accent écossais, qu’il dissimulait à volonté, mais qui, dans les moments d’émotion, venait donner du piquant à ses sarcasmes et de l’énergie à ses discours : comment avais-je pu m’y méprendre si long-temps ? D’une taille un peu au-dessous de la moyenne, ses membres avaient toute la vigueur qui peut s’allier à l’agilité ; car, à la liberté et à l’aisance remarquables de tous ses mouvements, on ne pouvait douter qu’il ne possédât au plus haut degré cet avantage. Sous deux rapports seulement sa taille pouvait manquer aux règles de la symétrie : ses épaules étaient si larges en proportion de sa grandeur, que quoiqu’il fût mince et dégagé, elles donnaient à sa taille quelque chose de trop carré, relativement à sa hauteur ; et ses bras, quoique robustes et nerveux, étaient d’une longueur presque difforme. J’appris depuis qu’il tirait vanité de cette circonstance, au point de dire que lorsqu’il portait l’habit montagnard il pouvait nouer ses jarretières sans se baisser, et qu’elle lui facilitait aussi le maniement du sabre, dans lequel on dit qu’il était très-adroit. Quoi qu’il en soit, ce manque de proportions lui ôtait le droit qu’il aurait eu à passer pour un très-bel homme ; il donnait à son aspect quelque chose de sauvage, de bizarre et presque de surnaturel, et me rappelait involontairement les contes que la vieille Mabel me faisait sur les Pictes qui, dans les temps anciens, ravagèrent le Northumberland ; race moitié hommes, moitié démons, et qui, de même que ce Campbell, se faisaient remarquer par leur courage, leur ruse, leur férocité, la longueur de leurs bras et la largeur de leurs épaules.

En me rappelant les circonstances dans lesquelles nous nous étions déjà rencontrés, je ne pus douter que le billet ne lui fût adressé. Il jouait un rôle important parmi ces personnages sur lesquels Diana Vernon semblait exercer une influence secrète, et