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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/316

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fils d’un ancien correspondant : mon père le diacre ne les lui eût pas refusés non plus. J’ai quelquefois songé à éclairer de mes lumières le duc d’Argyle, ou son frère le lord Ilay, car pourquoi les cacher sous le boisseau ? Mais ces grands personnages-là ne s’inquiéteraient peut-être guère d’un rapport qui leur serait fait par un pauvre fabricant de toile. Ils font plus d’attention à celui qui leur parle qu’à ce qu’il leur dit. C’est dommage, bien dommage. Non pas que je veuille rien dire contre ce Mac-Callum More. « Ne maudissez pas le riche dans votre chambre à coucher, dit le fils de Sidrach, car un oiseau de l’air lui portera vos paroles, et les murs, dit-on, ont des oreilles. »

J’interrompis ce discours préliminaire qui menaçait d’être un peu diffus, en priant M. Jarvie de compter sur M. Owen et sur moi, comme sur des personnes discrètes et dignes de sa confiance.

« Ce n’est pas cela, dit-il, car je n’ai peur de personne, et pourquoi craindrais-je ? mes paroles ne sentent pas la trahison. Seulement les montagnards ont les bras longs, et comme je vais quelquefois dans les montagnes voir des parents et de vieilles connaissances, je ne me soucierais pas d’être mal avec aucun de leurs clans. Quoi qu’il en soit, pour en revenir à notre affaire, il faut que vous sachiez que toutes mes observations sont fondées sur des chiffres ; et vous savez, monsieur Owen, que c’est la source et la véritable racine de toutes les connaissances humaines. »

Owen s’empressa de témoigner son assentiment à un raisonnement qui entrait si bien dans sa manière de voir, et notre orateur continua.

« Nos hautes terres, puisque c’est ainsi que nous les appelons, messieurs, forment à elles seules une espèce de monde sauvage, rempli de rochers et de précipices, de bois, de cavernes, de lacs, de rivières, de montagnes si élevées que les ailes du diable même se fatigueraient à les parcourir. Or, dans ce pays et dans les îles qui en dépendent (elles ne valent guère mieux, pour ne pas dire qu’elles sont encore pires), il se trouve environ deux cent trente paroisses, en comprenant les Orcades, qui, qu’on y parle gaélique ou non, sont habitées par une race bien loin encore de la civilisation. Maintenant, messieurs, je suppose, par un calcul modéré, que chaque paroisse contienne huit cents personnes, déduction faite des enfants de neuf ans et au-dessous ; en ajoutant un quart pour ces mêmes enfants, le montant de la popula-