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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/332

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notre épée, notre sceptre et Mons-Meg[1] aux mains de ces mangeurs de pouding, pour être gardés dans la Tour de Londres… Qu’auraient dit sir William Wallace et le vieux David Lindsay, de l’Union et de ceux qui l’ont signée ? »

Pendant que ces discussions faisaient trêve à l’ennui du voyage, la route que nous parcourions, et qui, à un ou deux milles de Glasgow, était découverte et sauvage, devenait de plus en plus désolée à mesure que nous avancions. Devant, derrière et autour de nous se déployait un terrain inculte dans toute sa désolante aridité, tantôt plat et partiellement couvert de la verdure traîtresse des marécages, ou de sable et de gazon, ou de ce qu’on appelle en Écosse des fondrières[2] ; tantôt s’élevant en hauteurs informes, qui, sans avoir la majesté des montagnes, étaient encore plus fatigantes à gravir. Pas un arbre, pas un buisson ne consolait l’œil fatigué de cette teinte uniforme de stérilité complète. La bruyère même était maigre et clair-semée, et de cette mauvaise espèce qui ne produit que peu ou pas de fleurs, et qui, à mon avis, forme la plus triste et la plus mesquine tapisserie dont la terre puisse être couverte. Aucun objet vivant ne s’offrait à nos regards, si ce n’est quelques moutons peints d’une étrange variété de couleurs, les uns noirs, les autres bleus ou oranges : le noir cependant dominait sur leurs têtes et sur leurs jambes. Les oiseaux eux-mêmes semblaient fuir ces déserts, et cela n’était pas étonnant, puisqu’ils avaient un moyen si prompt de s’en échapper ; du moins je n’entendis que le cri plaintif et monotone du vanneau et du courlis.

Cependant au dîner que nous fîmes, vers midi, dans la plus misérable des auberges, nous eûmes la bonne fortune de découvrir que ces oiseaux au cri fatigant n’étaient pas les seuls habi-

  1. Mons-Meg était une vieille et énorme pièce de canon à laquelle le bas peuple d’Écosse était fort attaché ; elle avait été fabriquée à Mons en Flandre, sous le règne de Jacques IV ou de Jacques V. Elle figure fréquemment dans les comptes publics de ce temps. Il y est question de graisse pour graisser la bouche de Meg (ce qui, comme le sait tout écolier, augmente le bruit de la détonation), de rubans destinés à l’orner, et d’instruments qui précédaient la marche quand on la tirait du château pour accompagner l’armée écossaise dans quelque expédition lointaine. Après l’union des couronnes le peuple craignait vivement que le trésor d’Écosse et cette espèce de palladium, Mons-Meg, ne fussent emportés en Angleterre pour compléter le sacrifice de l’indépendance nationale. Le trésor cessa effectivement d’être exposé à la vue du public, et on supposa généralement qu’il avait eu cette destination. Quant à Mons-Meg, elle resta dans le château d’Édimbourg jusqu’à ce qu’un ordre du ministère de la guerre l’eût fait transporter à Wolwich vers 1757. Le trésor, d’après l’ordre spécial de Sa Majesté, a été tiré en 1818 du lieu où il était resté caché, et exposé de nouveau aux regards du public d’Écosse, dans lequel sa vue doit exciter de puissants souvenirs. Dans l’hiver de 1828-29, Mons-Meg a encore été rendue à ce pays ; et ce qui ne serait partout ailleurs qu’une masse de fer rouillé, devient ici un monument curieux d’antiquité. a. m.
  2. Beat-bogs, fondrières à tourbes. a. m.