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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/334

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de faim. Mais n’en parlons plus, il ne faut pas parler des Highlandais quand on est si près de la frontière. J’ai connu plus d’un honnête homme qui ne se serait jamais aventuré si loin sans avoir fait son testament… En me voyant entreprendre ce voyage, Mattie a un peu pleuré, la petite folle… mais il n’est pas plus rare de voir pleurer une femme que de voir une oie aller nu-pieds. »

J’essayai de ramener la conversation sur le caractère et l’histoire de l’individu que nous allions visiter, mais je trouvai M. Jarvie inabordable sur ce chapitre, ce que j’attribuai en partie au voisinage de M. Fairservice, qui avait soin de nous suivre d’assez près pour que son oreille pût recueillir tout ce que nous disions, tandis qu’il donnait carrière à sa langue, et saisissait toutes les occasions de se mêler à la conversation ; il s’attira ainsi plus d’une rebuffade de M. Jarvie.

« Tenez-vous en arrière, monsieur, comme il vous convient, » lui dit le bailli au moment où André s’empressait d’approcher pour écouter la réponse à une question que j’avais faite sur Campbell ; « vous iriez volontiers devant si l’on vous laissait faire… Ce garçon-là veut toujours sortir du moule à fromage où il a été jeté… Pour répondre à vos questions, monsieur Osbaldistone, à présent qu’il n’est plus à portée d’entendre, je vous dirai franchement que vous êtes libre de m’en faire autant que vous voudrez, et que je ne le suis pas moins de n’y répondre qu’autant qu’il me conviendra… Je n’ai pas beaucoup de bien à dire de Rob, le pauvre diable ! et je n’en veux pas dire de mal, par la raison qu’il est mon cousin ; d’ailleurs nous approchons de son pays, où il n’y a pas un buisson qui ne puisse cacher quelqu’un de sa bande… Si vous voulez m’en croire, moins vous parlerez de lui, du lieu où nous allons, et de l’affaire qui nous y attire, plus nous aurons de chance de réussir. Nous pouvons rencontrer quelques-uns de ses ennemis… et il n’en manque pas dans ces environs. Robin porte encore la tête haute, mais quelque jour il sera obligé de la baisser… car, tôt ou tard, dit-on, le couteau finit par entamer la peau du renard.

— Très-certainement, lui répondis-je, je me laisserai entièrement guider par votre expérience.

— Vous avez raison, monsieur Osbaldistone, vous avez raison ; mais il faut que je parle aussi à ce bavard, car les idiots et les enfants répètent dans la place du marché ce qu’ils ont entendu au