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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/372

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Mais l’exécution de ce projet fut suspendue par l’apparition soudaine d’une femme sur le sommet du rocher. « Arrêtez ! dit-elle d’un ton d’autorité, et dites-moi ce que vous cherchez dans le pays des Mac-Gregor. »

J’ai rarement vu un port plus noble que celui de cette femme. Elle pouvait avoir de quarante à cinquante ans ; sa figure avait dû offrir dans sa jeunesse les traits d’une beauté mâle, et quoique la vie dure qu’elle menait l’exposât sans cesse aux ardeurs du soleil ou aux outrages de l’air, jointe à l’influence des chagrins dévorants et des passions qui l’agitaient et qui y avaient tracé de profonds sillons, ils étaient remarquables par leur caractère prononcé et l’énergie qu’ils exprimaient. Elle ne portait pas son plaid sur la tête et sur les épaules, comme c’est l’usage des femmes en Écosse, mais elle le drapait autour de son corps, suivant la coutume des soldats montagnards. Elle avait un bonnet d’homme, surmonté d’une plume, une épée nue à la main, et une paire de pistolets à sa ceinture.

« C’est Hélène Campbell, la femme de Rob, me dit tout bas le bailli d’un ton fort alarmé, avant peu il y aura plus d’une tête cassée parmi nous. »

« Que cherchez-vous ici ? » demanda-t-elle une seconde fois au capitaine Thornton, qui s’était avancé lui-même pour reconnaître.

« Nous cherchons le proscrit Rob-Roy Mac-Gregor Campbell, répondit l’officier. Nous ne faisons pas la guerre aux femmes ; n’opposez donc pas une vaine résistance aux troupes du roi, et vous pouvez être assurée que vous ne recevrez que de bons traitements.

— Oui, répliqua l’amazone, je connais toute l’étendue de votre humanité et de votre clémence. Vous ne m’avez laissé ni nom, ni réputation ; les os de ma mère tressailleront dans la tombe quand les miens iront les rejoindre. Vous n’avez laissé à moi et aux miens ni maison, ni asile, ni lit, ni couverture, ni bestiaux pour nous faire vivre, ni toison pour nous vêtir ; vous nous avez tout pris ; tout, jusqu’au nom de nos ancêtres ; et maintenant vous venez nous enlever la vie.

— Je ne viens prendre la vie de personne, répondit le capitaine, mais il faut que j’exécute mes ordres. Si vous êtes seule, bonne femme, vous n’aurez rien à craindre ; s’il y a quelqu’un avec vous d’assez téméraire pour tenter une inutile résistance, que son sang retombe sur sa tête. En avant, sergent !