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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/404

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avaient traversé la rivière, les uns au-dessus, les autres au-dessous du gué. Le passage n’était pas encore effectué, lorsqu’un bruit soudain, accompagné du rejaillissement de l’eau, m’apprit que l’éloquence de Mac-Gregor avait décidé Ewan à lui donner la liberté et une chance de salut. Le duc l’entendit comme moi, et en devina immédiatement la cause : « Chien, s’écria-t-il à Ewan lorsqu’il fut près de lui, où est ton prisonnier ? » Et, sans attendre la réponse que ce vassal épouvanté commençait à balbutier, il lui tira un coup de pistolet. Je ne sais si le coup fut mortel ; mais le duc s’écria aussitôt : « Messieurs, dispersez-vous, et poursuivez le brigand ; cent livres de récompense à celui qui m’amènera Rob-Roy. »

Au même instant tout fut confusion sur les deux rives. Rob-Roy, dégagé de ses liens, sans doute parce qu’Ewan avait débouclé la sangle, s’était plongé dans l’eau en passant sous le ventre du cheval du soldat qui était à sa gauche ; mais, comme il fut obligé de revenir un instant à la surface pour respirer, son plaid attira l’attention des soldats, dont quelques-uns entrèrent dans la rivière sans penser au danger qu’ils couraient. Quelques chevaux perdirent pied, d’autres se noyèrent et mirent dans le plus grand danger ceux qui les montaient. Plusieurs soldats allaient et venaient le long de la rivière, pour guetter l’endroit où le fugitif prendrait terre. Le murmure confus de tant de voix, les cris de détresse des malheureux qui se noyaient, ceux des soldats qui croyaient apercevoir le fugitif ; la détonation fréquente des pistolets et des carabines qui étaient déchargés sur le moindre objet qui excitait le soupçon ; la vue de tant de cavaliers courant çà et là, s’enfonçant dans la rivière ou galopant sur ses bords, et frappant de leur sabre tout ce qui attirait leur attention ; les vains efforts des officiers pour rétablir le bon ordre : toute cette scène, enfin, ayant pour théâtre un lieu si sauvage, et n’étant éclairée que par la pâle lueur d’un crépuscule d’automne, présentait le spectacle le plus tumultueux et le plus extraordinaire que j’aie jamais vu. J’étais seul occupé à l’observer, car toute notre cavalcade s’était dispersée à la poursuite de Rob-Roy, ou au moins pour voir le résultat de cette recherche. Dans le fait, comme je le soupçonnai un peu alors, et comme je l’appris avec certitude dans la suite, la plupart de ceux qui paraissaient mettre le plus d’activité dans leurs efforts pour recouvrer le fugitif étaient réellement les derniers à désirer qu’il fût repris, et ne se joignaient aux autres que